Utiliser les TNI/TBI pour étudier le lexique des objets d’étude du programme de Français du baccalauréat professionnel

, par Kevin Zanotti

Le tableau numérique interactif (TNI) est peu utilisé pour les fonctions qui lui sont spécifiques. On l’utilise souvent comme un simple vidéoprojecteur. Cependant, il offre parfois une réelle plus-value pédagogique, comme lors de séances d’étude de la langue sur le lexique, car cet outil permet un travail sur la catégorisation des mots (en fonction du sens, des registres de langue, des classes de mots, de leur morphologie…) et une manipulation qui permet d’activer les capacités à raisonner seul ou entre pairs.

En Bac Pro, tous les objets d’étude intègrent une entrée de connaissances liées au lexique (lexique usuel et lexique thématique). Le travail proposé ici vise le travail lexical dans le cadre de ces mêmes objets d’étude. Il peut être adapté à tous les objets de la seconde à la terminale.

L’exemple développé ci-après concerne le lexique « de la morale, du droit, de l’engagement », en classe de première, dans le cadre de l’objet d’étude : « les philosophes des Lumières et le combat contre l’injustice ». En guise d’illustration, je propose une adaptation en classe de seconde sur le lexique « du beau et du laid ».

OBJECTIFS DE L’EXPÉRIMENTATION :

Les enseignants redoutent parfois les séances sur le lexique qui seraient jugées trop austères et, bien qu’intégrant les déficits de mots de leurs élèves, se dotent rarement de rituels lexicologiques. Le TNI offre une possibilité de rendre dynamique la manipulation des mots. Ce qui guide cette séance, c’est l’hypothèse que les élèves vont acquérir du vocabulaire, non pas en lisant des lexiques et des définitions, mais en manipulant physiquement les mots. Les élèves sont, pour ce faire, invités à venir au tableau blanc interactif (TBI) pour déplacer des mots en fonction de critères discutables. L’objectif est de créer des dilemmes lexicaux sur le bon emplacement pour les mots. A travers ces échanges, les élèves vont devoir justifier leur(s) choix en s’appuyant sur les définitions mais aussi sur leur propre sensibilité par rapport à un mot.

L’objectif de cette manipulation est également de catégoriser. « Catégoriser, c’est travailler par comparaison, distinguer les ressemblances et les différences entre les éléments proposés. C’est réunir un certain nombre d’éléments que l’on classe ensemble en fonction de critères que l’on se donne précisément. La catégorisation est donc l’opération qui permet de réunir des termes, des réalités, des idées que l’on estime aller ensemble ». Yves Mestres, IEN chargé de la mission départementale ’Maîtrise de la langue’.

ANCRAGE DIDACTIQUE

La réflexion peut prendre appui sur différentes entrées :

  • - Les élèves doivent-ils créer cette liste ?
  • - Quelle classe grammaticale dois-je utiliser ? Dois-je me concentrer sur les adjectifs, les noms ou les verbes ? Dois-je les mélanger ?
  • - Dois-je privilégier du vocabulaire que les élèves connaissent déjà mais n’utilisent pas de manière active ou bien leur faire découvrir de nouveaux mots ?
  • - Vais-je privilégier les mots polysémiques ou monosémiques ?
    Au final, il semble nécessaire de varier au maximum les approches. Si on étudie toujours le même type de lexique et de la même façon, on ne fait pas assez progresser les élèves dans l’acquisition d’un vocabulaire riche et varié. Par ailleurs, on finit par négliger les mots simples et les colocations de mots.

Dans l’exemple présenté, pour étudier le lexique « de la morale et du droit », j’ai constitué les listes de mots qui me semblaient utiles et nécessaires. Les élèves travaillaient en groupe, chaque groupe disposant d’une classe grammaticale différente (Alors que dans l’exemple sur « le beau le laid », ce sont les élèves qui ont créé eux-mêmes la liste mais avec la contrainte de ne noter que des adjectifs).

Le travail sur des classes grammaticales a enrichi le vocabulaire des élèves. Par exemple, le lien entre valeur/valeureux a été discuté. Morphologiquement, « valeureux » est un dérivé de « valeur », cependant ils n’ont pas le même sens. « Valeureux » appartient-il alors au lexique de la morale ? La réponse permet d’enrichir le vocabulaire, mais on fait ici le pari que c’est le débat suscité par cette question qui a permis aux élèves d’ancrer le sens du mot.

Place de la séance :
Cet exemple de séance d’étude de la langue a été proposé en fin de séquence. Les élèves ont déjà étudié un corpus sur « L’esclavage, des Lumières à nos jours » et ont rédigé une première version d’un réquisitoire pour dénoncer un esclavagisme moderne.

LA DÉMARCHE

- Contextualisation : Dans un des textes du corpus étudié, (Judith Duportail,Henriette, esclave en France, Le Figaro le 02/12/2014) les élèves doivent surligner les mots appartenant au lexique de la morale et du droit ( Ils peuvent notamment retrouver les mots : « plainte », « abolition », « droit », « criminelle », « condamné »…). Leur sens peut être étudié dans le contexte du texte ou de la phrase.

- Décontextualisation : Ces mots, ainsi que d’autres d’une liste proposée par l’enseignant, doivent être classés selon des catégories (ici : Morale/droit). Le travail s’effectue par groupe au brouillon. Ensuite chaque groupe doit enrichir sa liste de mots nouveaux d’une seule classe grammaticale. Un représentant de chaque groupe est envoyé ensuite au TNI pour déplacer les mots et les placer par un « glissé/collé » dans les ensembles proposés. Le tableau produit est enregistré en format PDF puis diffusé sur l’ENT et imprimé par l’enseignant afin d’être collé dans le cahier pour servir de trace écrite.

- Recontextualisation  : Les élèves doivent compléter leur réquisitoire rédigé lors la séance précédente en y insérant au minimum un adjectif, un nom, un verbe et un adverbe de la liste de mots étudiée lors de la séance. Des contraintes morphologiques ou étymologiques peuvent aussi être imposées.

ÉLÉMENTS DE BILAN 

  • L’usage du numérique n’est pas indispensable pour ce travail. On peut faire le même travail avec des étiquettes en papier ou des Post-it. Mais le TNI a pour avantage de fournir un résultat final propre et imprimable. Il induit par ailleurs dans ses fonctionnalités des propositions de déplacements utiles ici.
  • Et en effet le TNI permet de déplacer à plusieurs reprises un mot (contrairement à un simple tableau blanc). Il peut aussi garder la mémoire des déplacements par enregistrements successifs. Les élèves peuvent ainsi faire des essais, exprimer leurs avis divergents, modifier, réaliser des allers-retours. Ainsi pour le terme « convention », un élève l’a d’abord placé dans le lexique du droit car il pensait à la « convention de stage ». Un autre n’était pas d’accord et, à ma demande, il s’est levé et a déplacé le mot « convention » dans le lexique de la morale. Cela a entrainé une discussion sur la polysémie de ce mot (les élèves ont décidé de le placer au milieu), alors que le texte d’appui n’en utilisait que le sens moral ou sociologique.
  • Pour favoriser ces moments de dilemme lexical, j’ai volontairement glissé des mots dont l’orthographe ou les spécificités morphologiques posaient un tiers-dilemme (pécher/pêcher ; une droite/un droit, un principe/principalement ; plaidoyer/ plaidoirie…). Ces mots ont créé des discussions passionnantes lors des travaux de groupe puis lors de la restitution en classe entière.

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