Le travail personnel de l’élève avec Piktochart 

, par Hugo Michel

Piktochart est un outil numérique simple d’utilisation qui permet de faire des infographies, c’est-à-dire de mettre en image, plutôt que de rédiger. Il permet de développer le travail personnel de l’élève puisque celui-ci va pouvoir travailler autrement en exprimant et en organisant ses idées, lui ouvrant la voie vers un plus grand investissement personnel.

Un scénario pédagogique proposé par : Hugo MICHEL au lycée Henri Matisse de Trappes (78)

CAPACITÉS, VISÉES ET POINTS DES PROGRAMMES TRAVAILLÉS 

Ce travail a été initié avec deux classes de terminale professionnelle. Je le poursuis actuellement avec une classe de seconde professionnelle et une classe de première professionnelle. Sur la première année, il a touché autant les programmes d’histoire (L’idée d’Europe au XX ème siècle), que de géographie (La France dans l’UE et dans le monde, Acteurs et enjeux de l’aménagement des territoires…).

Piktochart a également été utilisé en EMC (Pluralisme des croyances et laïcité) et en EGLS pour les terminales et en Français avec les classes de seconde.

Ce travail a développé chez les élèves des compétences d’analyse, mais aussi rédactionnelles puisqu’ils ont dû sélectionner, organiser, mettre en valeur et mettre en page des informations. Mais c’est surtout l’investissement personnel de l’élève dans son travail qui s’est développé.

POINT DE DÉPART DE L’EXPÉRIMENTATION EN QUELQUES LIGNES :

Au départ, je cherchais un logiciel, simple de prise en main, pour rapidement améliorer la mise en page de certains de mes cours. Par exemple, je souhaitais pouvoir délivrer des synthèses propres sous forme de schémas heuristiques ou de tableaux. Je me suis rapidement rendu compte que Piktochart me permettait également de faire des affiches pour la classe, sur de la méthode ou sur des bilans de classe, que j’imprimais au format A3 et étaient ensuite affichées aux murs.

Quelques exemples de mises en page prof avec Piktochart :

Et pourquoi ne pas faire contribuer les élèves à ce travail ? Ne serait-il pas intéressant de leur faire faire ce travail de synthèse sur les cours de l’année, développant ainsi leurs compétences TICE ?… tout en les faisant réviser en vue des devoirs ou des examens !

En effet, Piktochart se révèle très facile à utiliser, nonobstant quelques barrières sur lesquelles je reviendrai. Mais surtout, je crois que ces travaux ont permis aux élèves de libérer leur créativité, leur volonté et leur expression. Ils sont donc généralement, sauf quelques réticents à l’usage des TICE, enclins à travailler sur ce logiciel, voire même demandeurs. Ainsi, régulièrement, lors de travaux de réflexion, des élèves demandent à utiliser ce logiciel pour coucher leurs pensées, Piktochart faisant alors office de brouillon.

Présentation globale de l’interface de Piktochart

Il y a tout de même deux principaux freins à l’usage de Piktochart pour l’utilisateur débutant.
Le premier est, qu’étant un logiciel d’une entreprise privée, il faut s’inscrire individuellement via une adresse mail, avec un mot de passe (que les élèves perdent facilement au début). La deuxième limite se trouve dans la langue du logiciel : l’anglais. On peut donc penser au début qu’on n’y arrivera jamais, le site semblant nécessiter un effort de traduction. Cependant, Piktochart se révèle être conçu de manière très intuitive et on arrive très rapidement à saisir les commandes de base, puisqu’elles sont toutes accompagnés de pictogrammes. Et c’est là une des forces de Piktochart : sa capacité à permettre d’expliquer simplement des idées complexes.

ANCRAGE DIDACTIQUE PRIVILÉGIÉE POUR ABORDER LA THÉMATIQUE RETENUE :

Une infographie est la création d’une image numérique sur un ordinateur – ou autrement dit, donner une information à l’aide d’images, via l’outil numérique. Piktochart propose donc une banque de dessins – de pictogrammes – assez étendues, permettant d’exprimer toutes formes d’idées. De plus, si la banque d’images est insuffisante sur certains points spécifiques, on peut facilement importer des images trouvées ou produites ailleurs.

Quelques exemples de pictogrammes issus de la banque d’image.
En haut à gauche, on peut voir une forme (à la base un carré, mais il y a aussi des cercles, des pentagones...) dont on peut changer la forme (étirer, réduire, faire une rotation), la couleur ou sur laquelle on peut écrire.

Ainsi Piktochart peut aider des élèves ayant du mal à exprimer leurs idées par écrit en leur proposant une étape intermédiaire, celle qui pourrait correspondre au brouillon. La différence avec ce logiciel est que ce brouillon peut constituer en soi un produit fini, une présentation en tant que telle.
Après avoir échangé avec mes classes, il en ressort que les élèves s’inscrivent dans cet usage puisqu’il leur facilite la mise au travail et ne se sentent plus forcément jugés sur la forme (la rédaction), mais sur le fond (leurs idées). De plus, ils sont nombreux à lui trouver une vertu ludique ; il semble que ce soit plus amusant dans un premier temps de dessiner ses connaissances que de les rédiger.

 

POINT D’ARRIVÉE :

Depuis que j’ai lancé Piktochart avec mes classes, il en ressort de multiples usages. Cela peut être une forme de trace écrite produite par les élèves lors d’activité en autonomie, comme on peut le voir sur les figures suivantes, lancées au milieu de l’année. Sur ces travaux, il ressort des éléments de mises en page et de méthode de travail qui ne me satisfont pas : Il y a trop d’écriture sur les travaux en autonomie – et souvent du copié-collé, ainsi que des liens qui ne sont pas évidents entre les différentes structures du document. Globalement il en ressort que si les élèves peuvent apprendre et organiser en construisant ce genre de document, ils ne peuvent les réutiliser que difficilement, que ce soit en ressources pour la classe ou pour réviser.

Cela peut être également un travail de synthèse postérieur à une séquence. Sur l’infographie de La France dans l’Union européenne, le travail de synthèse est très intéressant et on peut voir que l’ensemble de la séquence est contenu dans neuf images ! On arrive donc à un vrai travail d’infographie qu’il est à la fois intéressant à construire, mais aussi à réutiliser. Mais il reste quelques défauts de conception. Que fait le G20 dans la partie UE ? De même le jeu d’échelles est étrange : Pourquoi la partie sur « La France et l’Union EU » (sic) n’est pas positionnée avant « La France dans le monde » ?

Le travail présenté ci-dessous (qui est tronqué par souci de présentation) représente une fiche de révision pour le bac que s’est construite une élève. Je n’ai pas demandé aux élèves de faire ce travail, si ce n’est que j’ai insisté, comme tous les enseignants de terminale, sur l’importance des révisions tout au long de l’année. Il est donc remarquable que certains élèves aient utilisé Piktochart pour travailler chez eux et se soient impliqués dans leur travail personnel de cette manière.

Enfin, ce dernier travail, réalisé en EGLS en fin d’année, montre relativement bien les progrès de sélection de ressources, de synthèse et de structuration faits par ces deux classes. La consigne, très libre, était : « Grâce aux compétences acquises lors de votre formation en baccalauréat professionnel commerce, réalisez une publicité pour le port de Gennevilliers destinée aux entreprises d’Île-de-France susceptibles d’avoir recours aux échanges mondiaux de conteneurs ». Les élèves ont fait preuve d’une bonne sélection de documents et ont su mettre en avant les éléments clés de la mondialisation, en partant d’une situation. Cela se voit particulièrement dans le commentaire du dernier document (le plan), qui est à l’échelle de l’Ile-de-France, mais que les élèves ont relié à l’échelle européenne et à la mondialisation.

Au final, ce dernier travail résume une satisfaction vis-à-vis de ce que je voulais que les élèves fassent avec Piktochart. Il est à la fois synthétique et complexe car il fait le lien entre une situation précise de géographie et les séquences de géographie sur l’année.

 

ÉLÉMENTS DE BILAN :

Le bilan que j’ai tiré de cette première année d’expérimentation de Piktochart est très positif. Je peux en tirer plusieurs points :

 Il me manque des connaissances et des capacités sur des questions de mise en page telles que la charte graphique ou encore des éléments de lecture de l’image que j’acquière progressivement, notamment en travaillant avec la professeure d’arts appliqués.

 Ceci étant dit, je ne suis pas très à même de toujours bien orienter les élèves sur cette mise en page. Je progresse en même temps qu’eux. C’est d’ailleurs intéressant car ils se sentent sur un pied d’égalité avec moi – et entre eux – proposant de nouvelles formes de présentation.

 Il en ressort que les productions des élèves et les miennes sont encore assez brouillonnes et des frustrations émergent, surtout quand certaines productions ont un caractère inachevé, faute de temps. Mais cela peut se transformer en une attitude positive que certains élèves utilisent pour progresser sur des compétences transversales. Ainsi, ce travail avec mes classes de terminale a permis d’améliorer leur examens professionnels (rédaction, présentation des dossiers pour le bac, optimisation de l’usage de Powerpoint pour ces mêmes oraux). Ils ont pu également donner du sens à l’usage d’un brouillon dans nos disciplines qui demandent une préparation avant la rédaction.

 Cette même frustration basée sur l’inachevé a accouché d’une autre vertu intéressante. Les élèves ont eu la volonté de continuer, améliorer, modifier, voire recommencer leurs travaux par eux-mêmes. Et si cette frustration n’aboutissait pas forcément à grand-chose lorsque que je ne leur donnais pas la possibilité de la laisser sortir en classe – faute de temps, une part non négligeable des élèves ont poursuivi par eux-mêmes le travail. Ainsi, à mon grand étonnement, mes terminales m’ont sporadiquement envoyé par mail tout au long de l’année des travaux que je n’avais pas demandés, réalisés avec ce logiciel.

 Il en ressort que les élèves – en tout cas de terminale - ont une certaine fierté à montrer leurs travaux. Certains ont affiché leurs infographies en fond d’écran de leur téléphone pour pouvoir réviser et j’ai eu des retours inhabituels - mais positifs - de parents.

 Ce que j’ai peut-être trouvé de plus intéressant, c’est que les élèves n’ont presque jamais soumis de réaction négative au passage à l’écrit après la construction des infographies. Pour eux, il va de soi qu’on peut ensuite rédiger ce qu’on a fait sous forme de dessins.

Tout cela me pousse à reconduire l’usage de ce logiciel avec d’autres de mes classes cette année. Ces travaux ont été réalisés par une classe de seconde, découvrant le logiciel. Le premier a été construit par les élèves à la demande des enseignants de matières professionnelles qui souhaitaient faire adhérer les élèves au port de la tenue professionnelle en créant des documents incitatifs (qui pourraient être améliorés grâce à un détourage des vêtements).

Le second travail est dans le cadre d’un atelier de lecture en français où les élèves doivent fournir des fiches de lecture sous forme d’infographies incitant d’autres élèves à lire un livre de leur choix.

Il est à noter qu’il existe des alternatives au logiciel Piktochart, elles aussi en ligne et gratuites.
Canva propose des services similaires et en français. Cependant, à mon sens, il n’a pas un rendu aussi « professionnel ».
Genially est très intéressant car il permet de faire des infographies interactives, c’est-à-dire cliquables, pour les intégrer par exemple à un site web. Il est cependant beaucoup plus restreint que Piktochart dans les conceptions qu’il permet.

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