La correction de copies en vidéo

, par Kevin Zanotti

La correction de copies en vidéo n’est pas une idée nouvelle. Elle est pratiquée par de nombreux enseignants. Ainsi la Dane de Normandie publiait en 2018 un articleintéressant sur ce sujet. Le principe est de remplacer les annotations sur les copies par une correction en vidéo.

Cependant le travail à distance, imposé par le confinement, a rendu cette pratique encore plus pertinente. Le profil particulier des élèves de lycée professionnel est également un argument en faveur de ce type de correction. En effet ils rechignent souvent à lire de longues corrections écrites. Le support vidéo leur est plus familier, plus facile d’accès.
De plus cette correction en vidéo permet d’aller au-delà de la note qui seule parfois intéresse nos élèves, pour les recentrer vers la prise en compte des annotations et commentaires qui explicitent les attentes, soulignent les manques mais aussi les réussites d’une copie. C’est une pratique qui permet de revenir à ce que devrait être la correction : dialoguer avec une copie et son auteur sans que ce geste n’en devienne trop chronophage ou vide de sens.

Ce type de correction permet également de mettre en place une articulation cohérente entre travail à la maison des élèves et travail en cours. La correction de copies en vidéo facilite ainsi une forme d’enseignement hybride (entre présentiel et distanciel)

Avantages et inconvénients de cette pratique :


 Plus accessible pour les élèves dans le cadre d’un travail à distance. En effet de nombreux élèves consultent leurs copies corrigées et annotées depuis leur téléphone. Or il est difficile de lire correctement sur un téléphone une copie.
 Évite à l’enseignant d’avoir à imprimer la copie de l’élève pour ensuite la scanner après l’avoir annotée.
 Évite les commentaires trop rapides voire incompréhensibles pour l’élève comme « mal dit » : au contraire, la correction de copie en vidéo permet d’expanser les commentaires sans perte de temps et par là même d’être plus précis et plus explicite dans ses attendus d’enseignant.
 Permet à l’enseignant de valoriser plus facilement les réussites, les points positifs, là où parfois les annotations habituelles ne relèvent que les manques, les fautes, les oublis etc.
 Enfin, la vidéo donnant à voir et à entendre le professeur, ce type de correction soutient le travail à distance des élèves, entretient la motivation, et en ce sens est une « rétroaction » positive qui nourrit l’engagement des élèves dans le travail.


 Nécessite une première lecture par l’enseignant de la copie avant la correction (pour ne pas être dans l’improvisation).
 Les premiers essais sont un peu laborieux (micro éteint, mauvais réglage du son, hésitation sur les commentaires…). Mais ces maladresses disparaissent assez vite avec un peu de pratique.
 Une pratique chronophage. Néanmoins cet usage prend moins de temps qu’on peut l’imaginer (à condition de ne pas chercher à gommer tous les défauts qu’implique un oral spontané de la part de l’enseignant).

Un peu de technique !

Pour réaliser une telle correction, le niveau de maîtrise nécessaire des outils informatiques est minime.

1/ Capturer l’écran et le son.
Il faut un logiciel de capture vidéo d’écran (Screencast). Sous Windows, une application est préinstallée. Il suffit d’appuyer sur la touche Windows + G du clavier.
Cependant cet outil offre peu de possibilité. Vous pouvez utiliser un logiciel de capture vidéo d’écran comme Bandicam. Ces logiciels offrent des possibilités de réglages sur le son, l’image, le curseur de la souris… Ils permettent surtout d’avoir le visage de l’enseignant filmé en même temps que la copie. C’est une option qui semble anecdotique mais qui est appréciée par les élèves.
2/ Annoter la copie
Pour annoter une copie envoyée par les élèves sous un format Word (.doc ou .docx) ou LibreOffice (.odt), il suffit d’utiliser ces mêmes logiciels de traitement de texte. Tous les outils sont alors disponibles (surligneurs, commentaires, correcteurs…)

Pour annoter une copie papier scannée par l’élève (par exemple .jpeg ou .pdf), il y a de nombreuses possibilités. Il faut utiliser un logiciel dont on a l’habitude. On peut par exemple utiliser un logiciel de retouche d’image (comme Paint) ou tout simplement les outils disponibles sur Acrobat Reader :

Enfin l’usage d’une tablette peut s’avérer ici très pratique. Il y a dans toutes les tablettes une application « annotation » préinstallée. On peut alors corriger directement la copie sur l’écran.

3/ Envoyer la correction.
Il s’agit sans doute du plus gros problème. Dans l’idéal, il suffit de déposer la vidéo sur l’ENT « monlycée.net » dans la partie « Espace documentaire » de l’élève.

Dans la pratique, les vidéos sont parfois trop lourdes. Il faut alors déposer la vidéo sur un site dédié comme « peertube » puis communiquer le lien à l’élève.

Une correction reste une correction… points de vigilance pour une correction vidéo :

Les écueils d’une correction de copies sous forme de vidéo sont les mêmes que les corrections de copies classiques. Elles ont même tendance à s’amplifier. Cette pratique implique de renforcer certains gestes professionnels essentiels du métier qu’on aurait tendance à oublier au prétexte que la correction est vidéo. Ainsi le ton de la voix peut rapidement devenir blessant. L’enseignant doit regarder le travail de l’élève avec bienveillance et ne pas oublier de mettre en valeur les qualités de la copie. [Bernard Delforce pose ainsi la question : "Tes difficultés m’agacent ou tes difficultés m’intéressent." [1] À travers la vidéo, l’élève ressent très vite nos agacements et cela peut devenir contre-productif. Anne Jorro, dans « L’enseignant et l’évaluation ». [2], nous invite à « mobiliser deux attitudes : [la] bienveillance et l’exigence »

De plus l’outil vidéo peut pousser à une recherche d’exhaustivité. L’enseignant parle seul devant son écran, il ne voit pas l’élève décrocher ou s’ennuyer. « L’exhaustivité est impossible, il s’agit donc pour l’évaluateur de faire des choix réalistes en fonction du contexte. Le conseil suppose alors un équilibre entre le réalisable et le promouvable ». [3] Une des difficultés est donc de faire des choix.
Dans cet exemple, j’ai fait le choix de très peu aborder l’orthographe. La vidéo permet d’aborder de manière rapide et claire des problèmes d’organisation du texte, de structure de la phrase, de manque de précision… Mais c’est un outil assez complexe pour corriger l’orthographe.

Enfin la vidéo ne résout pas le dilemme entre une évaluation formative ou sommative. Cependant, dans le cas du confinement, le but étant de ne surtout pas pénaliser les élèves, je crois qu’il faut voir cette correction comme un moment de formation. Les élèves doivent ensuite réécrire leur premier jet. La correction de l’enseignant prend alors tout son sens.

Insérer cette correction en ligne dans une progression :

Ce type de correction en vidéo peut être utilisé dans toutes les séquences et dans toutes les matières. Cependant il faut réfléchir à son articulation dans la séquence. Il faut donner un véritable objectif pédagogique à ce travail. Ainsi en toute fin de séance, pour une évaluation sommative, cela ne parait pas pertinent : les élèves auront-ils envie de regarder cette vidéo et de s’approprier les conseils donnés ?
Dans le cadre d’un enseignement hybride, cette pratique semble particulièrement efficiente. Les élèves partagent leur temps entre des moments en classe et du travail en autonomie à la maison. On peut par exemple imaginer une organisation en 5 séances d’une heure (deux heures en présentiel, deux à distance et une heure en accompagnement pour certains élèves) :
1/ Préparation du brouillon en présentiel. Avant cette séance, les élèves ont déjà étudié un groupement de texte ou une œuvre longue leur apportant les références culturelles nécessaires à la rédaction.
L’enseignant présente le sujet et laisse ensuite les élèves rédiger un brouillon en autonomie en 10 minutes. Le temps doit être court afin que les élèves ne rédigent pas, mais préparent uniquement la structure de leur écrit. Quelques brouillons sont ensuite projetés au tableau (à l’aide par exemple d’un visualiseur) afin d’échanger des idées et de co-élaborer un ou des plans possibles.
2/ Premier jet en présentiel. Les élèves rédigent avec un stylo ou directement sous format numérique. Ils utilisent leur brouillon construit dans la séance précédente. L’enseignant accompagne cette écriture en proposant des remédiations, en fournissant des conseils et des encouragements individualisés.
3/ Mise en forme à distance. Les élèves doivent finaliser et recopier leur écrit en format Word ou LibreOffice. Ils doivent ensuite utiliser deux correcteurs orthographiques : celui de leur logiciel de traitement de texte (Ajouter l’extension Grammalect sous Libreoffice qui ne se contente pas de corriger les fautes mais donne également des feedback et un en ligne comme « Bon patron »). L’objectif est ici de rendre les élèves le plus autonome possible sur « toilettage orthographique » afin que la correction vidéo de l’enseignant ne soit trop centré sur ce sujet. Le texte ainsi rédigé et corrigé, est envoyé à l’enseignant par le canal habituel.
4/ Les correcteurs orthographiques en accompagnement en présentiel. La plupart des élèves se servent assez efficacement des correcteurs. Mais certains sont peu à l’aise avec ces outils. Il alors nécessaire de les accompagner en présidentiel pour leur faire manipuler le logiciel et l’utiliser avec discernement. Le but n’est pas de leur faire un cours d’orthographe mais bien de leur donner des outils pour être plus autonome.
5/ Réécriture à distance. L’enseignant corrige chaque copie en vidéo (comme proposé dans cet article) et diffuse cette correction sur Peertube. Les élèves doivent ensuite améliorer leur écrit pour en communiquer une version finalisée.

Extrait d’une copie d’élève.

Bilan :

En conclusion, corriger une copie avec un stylo est « un exercice long et délicat » et la correction ainsi réalisée retient trop souvent peu l’attention des élèves. La vidéo-correction est également« un exercice long et délicat » mais, contrairement au cas précédent, les élèves semblent plutôt bien s’en emparer. C’est un format qui leur est familier.

De plus le fait d’écouter cette vidéo à distance semble favoriser la concentration. Certains élèves ont du mal à écouter leur enseignant plus de 5 minutes. Dans cette expérience, mes vidéos avaient une durée de 8 à 10 minutes. Or les élèves m’ont déclaré avoir écouté leur correction en vidéo et pour certains plusieurs fois. Le bilan est donc positif

L’articulation entre séance en présentiel et distanciel doit être mûrement réfléchie. Dans cette expérience, le fait de commencer par du présentiel m’a semblé indispensable. Sans la présence de l’enseignant lors des premières séances, les écrits auraient souvent été assez pauvre. La correction à distance n’aurait alors sans doute pas été aussi pertinente. Dans ce cas, la plupart des élèves m’ont proposé une deuxième version de leur écrit et j’ai pu y constater de réels progrès.

Enfin, je constate que dans le cadre de la continuité pédagogique, les élèves comme les parents sont plutôt demandeurs de ce type de pratique. Les parents qui souhaitent souvent accompagner leur enfant, peuvent mieux comprendre les critères de correction. Il faut donc profiter de cette émulation pour tester des choses nouvelles.

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