Proposition de séquence

Jeux de masques sur scène : bas les masques ! Groupement de textes et images

, par Bruno Girard

Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme ?” Shan Sa
Qui masque ses fautes se voit, en fin de compte, démasquer par sa conscience.
William Shakespeare
« L’homme est moins sincère quand il est lui-même. Donnez-lui un masque et il dira la vérité » Oscar Wilde
« Un vrai masque ne cache pas, il rend visible  » Ariane Mnouchkine

Présentation générale

Objet d’étude : « Vivre aujourd’hui : l’humanité, le monde, les sciences et la technique »
Programme limitatif 2021 – 2023 : « Le jeu : futilité, nécessité »
Genre littéraire privilégié : le théâtre
Genres annexes : podcast et écrits philosophiques
Vivre aujourd’hui  : l’humanité, le monde, les sciences et la technique

Finalités et enjeux
 Devenir un lecteur compétent et critique ; adapter sa lecture à la diversité des textes ;
 Confronter des connaissances et des expériences pour se construire ;
 Formuler sa pensée et l’exprimer de manière appropriée pour prendre part à un débat d’idées (ici autour des choix assumés par un personnage), qui serait ici interprétatif.
« En classe terminale, les élèves sont donc invités à étudier des œuvres littéraires et artistiques qui proposent des clés de compréhension de la condition humaine. » [1]

 « Lorsque le jeu est inventé par le joueur, c’est lui qui détermine ses propres règles et confère à des objets un rôle qui peut d’ailleurs s’arrêter avec l’activité elle-même… »
 « Une activité qui détermine aussi les jeux des êtres dans le théâtre du monde. »
 « Son usage dans la langue atteste ainsi de la façon dont il sert à dire l’action humaine, voire certains rapports au monde : jouer à ; se jouer de ; jouer sa vie ; cacher son jeu ; dévoiler son jeu ; jouer un jeu dangereux ; jouer avec le feu ; jeu de scène ; se prêter au jeu de ; jouer double jeu ; abattre son jeu ; entrer dans le jeu de quelqu’un ; les jeux sont faits ; bien joué. » [2]

Présentation du groupement – Enjeu thématique

Comme Shakespeare et Shan Sa le soulignent en avant-propos de ce qui va suivre, le théâtre offre de multiples formes de scènes de masque et de scènes où le jeu finit par être démasqué. De Richard III à Marivaux, de Brecht à Molière le passage par le masque est un jeu parfois amoureux, parfois politique, parfois très intime, parfois sur-joué, parfois protecteur, parfois poignard.
On doit aux travaux des psychologues (Castro, 2012) d’avoir cherché à comprendre le sens et les fonctions du mensonge et du masque dans le développement humain et tenté de montrer pourquoi le mensonge est inhérent à la vie en société. Il n’est donc pas surprenant que le théâtre, qui peut être considéré comme un « miroir grossissant » des interactions humaines, mette en scène, quels que soient les genres du dramatique, des personnages qui pratiquent le mensonge sous diverses formes (feintes, fourberies, ruses, dissimulations…). On pense aux affabulations de Dorante dans Le Menteur de Corneille, à celles de Matamore dans l’Illusion comique, aux stratégies mensongères de Iago dans Othello de W. Shakespeare, aux manipulations monstrueuses mais si humaines d’un Richard III, aux ruses de Scapin dans Les Fourberies de Molière, à l’hypocrisie d’un Tartuffe dans la pièce du même Molière, aux mensonges de Victor et à ceux de son père dans Victor ou les enfants au pouvoir de Vitrac, etc. Ils apportent la preuve que « L’homme est avant tout un animal mendax », comme le rappelle Guido Almansi, à la suite de saint Augustin, de Montaigne ou de J.-J. Rousseau. Ce dernier précise dans une de ses Rêveries : « Mentir pour son avantage à soi-même est imposture, mentir pour l’avantage d’autrui est fraude, mentir pour nuire est calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge. Mentir sans profit ni préjudice de soi ni d’autrui n’est pas mentir : ce n’est pas mensonge, c’est fiction ».
Travestissement, double-jeu, trouble-jeu, mensonges, manipulations ne sont jamais loin les uns des autres. Mais passer sur scène par le jeu des faux-semblants est l’occasion idéale pour démasquer les monstres, accéder à la vérité, sonder l’âme. Et tout se peut au théâtre, grâce à une simple convention, celle de la lentille grossissante, comme chez Marivaux, par exemple. Le mensonge, la convention, l’illusion habituelle du théâtre sont dépassés, surpassés par un « sur-mensonge », une « sur-convention », une « sur-réalité », une illusion perfectionnée chez ce dernier. Marivaux a rajouté au système optique du théâtre une autre lentille grossissante par les procédés et par le thème qu’il emploie. Par l’utilisation du mensonge, par l’atmosphère dans laquelle il a placé ses personnages, l’hypocrisie qu’il leur inocule, Marivaux a porté à un point d’excellence jamais atteint jusqu’alors cette convention raffinée au point d’être dépouillée de tout réalisme, jusqu’à la notion du symbole dixit Louis Jouvet).
La séquence développée ici propose des scènes qui explorent les types de masques empruntés tant par les personnages que par les comédiens pour explorer le jeu des faux-semblants, celui du trouble jeu, celui de l’insincérité et du crime autant que celui de la sincérité et de l’amour, celui des artifices et de la dissimulation comme celui de la déclaration et de la résolution heureuse. Elle est aussi l’occasion de poser les enjeux sociétaux et moraux du mensonge. Enfin, elle explore des modes de jeu sur scène pour souligner le sens d’une situation ou d’un texte. La séquence, en effet, au-delà de l’exploration des formes que peut prendre le masque et le mensonge, se double aussi de la manière dont une mise en scène en souligne la singularité, le sens, l’utilité pour permettre de « dévoiler », de « démasquer », de « dénoncer », de « démonter », de « démontrer » et peut-être aussi d’en questionner le volet moral, car comme le rappelle Kant, « C’est donc un commandement de la raison qui est sacré, inconditionnellement impératif qui ne peut être limité par aucune circonstance : en toute déclaration, il faut être véridique dans toutes nos déclarations », quand, parfois au contraire il se contredit en affirmant : « Le principe moral, par exemple, que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences très directes qu’a tirées de ce principe un philosophe allemand, qui va jusqu’à prétendre qu’envers les assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime » L’occasion, à partir de nos lectures, d’organiser un atelier d’écriture philosophique, un « colloque de philosophes » et d’y inviter quelques grands penseurs…

Présentation du groupement – Enjeu didactique

Lire pour penser et écrire ensemble. Les enseignantes et les enseignants savent qu’ils doivent établir des liens en classe entre la lecture et l’écriture. Les ponts entre ce qui est lu et ce qui va s’écrire ne sont pas pour autant toujours bâtis de manière heureuse par les élèves.
La séquence pose donc comme projet aux élèves l’objectif de s’approprier des propos et d’en faire les tremplins d’une discussion et d’une délibération rédigée. Il ne s’agira pas ici d’effectuer un transfert d’une écriture vers une autre, mais de faire synthèse pour résoudre un enjeu d’écriture collaborative. Il s’agira d’apprendre à « conserver » pour mieux « penser ».

Présentation du groupement – Choix pédagogiques

La séquence pose comme réponse majeure celle de la lecture appropriée. Pour cela le groupement passe par des phases de découverte et d’anticipation de chaque séance. Ces phases de travail personnel s’appuient sur des lectures longues de textes permettant de tirer des fils en termes de compréhension et d’analyse lors des séances en classe.
La séquence a pour finalité deux productions écrites majeures : une épreuve d’examen type bac blanc et une écriture collégiale argumentée/délibérative.
Elle sert aussi deux objectifs forts de nos programmes : le contact aux œuvres d’art, la pratique artistique mais aussi une situation d’initiation à la philosophie.
Enfin elle intègre une part de jeu dans la pratique pédagogique de lecture.
Deux genres y sont privilégiés : le théâtre et l’essai (ou littérature d’idée).

Tableau synoptique de séance

Codes couleurs :
Grisé : séance de travail personnel préparant la séance en classe
Vert foncé : atelier philo
Vert clair : Bac Blanc
Vert pâle : atelier EAC

Fiches séance

Présentation du Quizz
Fiches séance 1 Texte 1
Fiches séance 2 Texte 2
Fiches séance 3 Texte 3
Fiches séance 4 Texte 4
Séance 6 : Tableau pour comparer 3 mises en scène
Fiches séance atelier philo
Sujet Bac Pro

Lectures pour le professeur

• Entretien avec Erhard Stiefel et Ariane Mnouchkine : « un vrai masque ne cache pas, il rend visible » : https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/a-lire/un-vrai-masque-ne-cache-pas-il-rend-visible-4147
• Benno Besson, mise en scène du Cercle de Craie caucasien de Bertoltt Brecht disponible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=ef6FeOW5iTU
• Théâtre à la table, Tartuffe, par les Comédiens Français : https://www.youtube.com/watch?v=ISzpB9gk2gg
• Podcast France culture : Une saison au Théâtre : le masque, la disparition du visage crée une angoisse métaphysique fatale… https://www.franceculture.fr/emissions/une-saison-au-theatre/le-masque
• L’Avant-scène théâtre : http://www.lavant-seine.com/une-petite-histoire-du-masque/
• Masques et théâtre, édition Noir sur Blanc, collectif sous la direction de Jacques Berchtold et Anne Catherine Sutermeister
• Odette Aslan, Le masque du rite au théâtre, CNRS, 2006
• Anton Tchékhov, Le Masque, Bibliothèque russe et slave, 1884, publié en 2012
• Jean Starobinski, Interrogatoire du Masque, édition Galilée, 2015
• Les Deux voyages de Jacques Lecoq, collection « entrer en scène », sceren, DVD, 2006

Notes

[1Programme de français, classe de terminale professionnelle, octobre 2019

[2Programme limitatif 2021 – 2023, février 2021

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