Façons de lire, manières d’être RENDEZ VOUS DES LETTRES : PARCOURS, CORPUS, VALEURS


29 mars 2018 Université Gennevilliers

La question de l’engagement personnel de l’élève est incontournable pour penser la lecture et par voie de conséquence la lecture savante attendue par les programmes de lycée et de collège. De l’autre côté, l’enseignement des Lettres a pour ambition, outre les compétences de lecture, la formation de l’esprit par l’expérience des humanités qu’apportent les textes littéraires. Deux points de tension se dégagent dans l’approche des textes en classe : le sens du texte en lui-même en tant que production historiquement ancrée, le sens du texte dans sa réception actuelle par l’élève.

Le rapport à la lecture et la possibilité même de cette dernière dans le cadre scolaire et extrascolaire se situent entre ces deux points de tension, au cœur même des préoccupations pédagogiques. Cette complexité exige des réponses selon deux directions notamment : celle de la subjectivité des élèves et celle de la visée des textes et de leur intérêt pour lire le monde dans lequel nous vivons. Ces deux directions de travail visant à saisir l’élève dans son rapport aux textes portent en elles-mêmes leurs limites : l’émotion suscitée par les textes tout comme la visée des textes comme discours sur le monde peuvent déporter de la valeur littéraire de ces derniers et en définitive de la lecture littéraire elle-même comme expérience propre et partagée dans l’espace de la classe. Pour répondre à cet état de fait, deux leviers peuvent être identifiés : celle du parcours de lecture par un sujet lecteur tout au long de la scolarité obligatoire, celle de l’espace partagé de la lecture dans ce triangle défini par le périmètre de la classe : élève, professeur, œuvre.

Mais ces perspectives, qui croisent continuité (réception des textes) et nouveauté ( prise en compte de la lecture comme acte fondateur de représentations profondes), ne manquent pas de remettre en question les pratiques scolaires les plus répandues avec dans le désordre quelques questions : la littérature peut-elle mettre en dialogue un adulte lecteur et un enfant ou adolescent en formation ; en quoi l’espace de la classe peut-il instituer une autre scène que peut produire la rencontre verbalisée entre texte et lecteur ? Tout texte peut-il dessiner cette scène de lecture dans laquelle la lecture se lit autant qu’il lit et rencontre l’autre ? Quel est le travail du professeur/lecteur pour installer la scène de lecture (corpus, délimitation du corpus, présentation du corpus, verbalisation…)

Sur le corpus plus précisément : CL

La construction d’un corpus dépend d’un choix lié à un objectif que l’on se donne, et de la problématique envisagée. Le choix d’un corpus présuppose... que ce corpus constitue bien un objet d’étude dans le champ de l’enseignement du français (la discipline des Lettres) mais aussi dans le champ de la pédagogie des Lettres (les élèves sont en place de lecteurs actuels) ; cela présuppose que le professeur le perçoive comme une entité dans deux univers référentiels hétérogènes : celui de la littérature ( ses catégories spécifiques, ses genres, ses mouvements, l’ histoire littéraire), celui des élèves d’aujourd’hui. En définitive, le professeur fait des hypothèses sur les conditions d’existence de ce corpus découpé à partir d’un paradoxe complexe à tenir :

  • Le corpus littéraire de référence réglé par les savoirs littéraires
  • Le corpus construit et proposé à des lecteurs a priori non « appétents ».
    Le croisement des deux peut dessiner un parcours herméneutique. C’est peut-être là que l’on croise les valeurs.

Dès lors quelques questions :

Corpus un jeu du même au même, clôture

Corpus un jeu de déconstruction et de reconstruction : d’ouverture

  • 4 enjeux pour réfléchir à la question des corpus
    • Composition 3
    • Enjeu 2
    • parcours 4
    • acteurs 1
  • Déroulé prévisionnel RVL
    • Matinée : 2 conférences
      • Hélène Merlin : Dans la gueule du loup
      • Denis Pelletier
    • Après midi :
      • Début d’après-midi : Héloise/Agathe, corpus intéressés/intéressants 1H
      • Ateliers : 1 seul sujet pour tous les ateliers en 3 questions successives 2H
        « Corpus intéressés et parcours de lecture »
  • Corpus intéressés et bibliothèque (du prof/des élèves)
  • Travail du prof : Incidences sur le travail en classe : comment articuler les corpus intéressés et le travail sur les objets d’étude
  • Du corpus au texte : scénographie pour installer le texte/lectures/ finalité et traces

Marielle Macé

Façons de lire, manières d’être

Collection NRF Essais, Gallimard

Parution : 17-03-2011

La lecture est l’une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons un aspect, une saveur et même un style à notre existence.
« J’allais rejoindre la vie, la folie dans les livres. [...] La jeune fille s’éprenait de l’explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j’ai tiré ma fantasmagorie la plus intime... » Lorsque le jeune Sartre se rêve en héros après avoir lu les aventures de Pardaillan, il ne fait rien d’exceptionnel, sinon répéter ce que nous faisons tous quand nous lisons, puissamment attirés vers des possibilités d’être et des promesses d’existence que donne la littérature.
C’est dans la vie ordinaire que les œuvres se tiennent, qu’elles déposent leurs traces et exercent leur force. Il n’y a pas d’un côté la littérature, et de l’autre la vie ; il y a au contraire, dans la vie elle-même, des formes, des élans, des images et des styles qui circulent entre les sujets et les œuvres, qui les… Lire la suite

La lecture est l’une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons un aspect, une saveur et même un style à notre existence.
« J’allais rejoindre la vie, la folie dans les livres. [...] La jeune fille s’éprenait de l’explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j’ai tiré ma fantasmagorie la plus intime... » Lorsque le jeune Sartre se rêve en héros après avoir lu les aventures de Pardaillan, il ne fait rien d’exceptionnel, sinon répéter ce que nous faisons tous quand nous lisons, puissamment attirés vers des possibilités d’être et des promesses d’existence que donne la littérature.
C’est dans la vie ordinaire que les œuvres se tiennent, qu’elles déposent leurs traces et exercent leur force. Il n’y a pas d’un côté la littérature, et de l’autre la vie ; il y a au contraire, dans la vie elle-même, des formes, des élans, des images et des styles qui circulent entre les sujets et les œuvres, qui les exposent, les animent, les affectent. Car les formes littéraires se proposent dans la lecture comme de véritables formes de vie, engageant des conduites, des démarches, des puissances de façonnement et des valeurs existentielles.
Dans l’expérience ordinaire de la littérature, chacun se réapproprie son rapport à soi-même, à son langage, à ses possibles et puise dans la force du style une esthétique.

Marielle Macé

Styles

. Critique de nos formes de vie

Collection NRF Essais, Gallimard

Parution : 03-10-2016

Occupy Wall Street, Indignés, Nuit Debout – plus que jamais la question est posée de définir la vie que nous souhaitons choisir et vivre.
Une vie vécue est inséparable de ses formes, de ses modalités, de ses régimes, de ses gestes, de ses façons, de ses allures… qui sont déjà des idées. Le monde, tel que nous le partageons et lui donnons sens, ne se découpe pas seulement en individus, en classes ou en groupes, mais aussi en « styles », qui sont autant de phrasés du vivre, animé de formes attirantes ou repoussantes, habitables ou inhabitables, c’est-à-dire de formes qualifiées : des formes qui comptent, investies de valeurs et de raisons d’y tenir, de s’y tenir, et aussi bien de les combattre.
C’est sur ce plan des formes de la vie que se formulent aujourd’hui beaucoup de nos attentes, de nos revendications, et surtout de nos jugements. C’est toujours d’elles que l’on débat, et avec elles ce sont des idées complètes du vivre que l’on défend ou que l’on accuse. Une forme de… Lire la suite

Occupy Wall Street, Indignés, Nuit Debout – plus que jamais la question est posée de définir la vie que nous souhaitons choisir et vivre.
Une vie vécue est inséparable de ses formes, de ses modalités, de ses régimes, de ses gestes, de ses façons, de ses allures… qui sont déjà des idées. Le monde, tel que nous le partageons et lui donnons sens, ne se découpe pas seulement en individus, en classes ou en groupes, mais aussi en « styles », qui sont autant de phrasés du vivre, animé de formes attirantes ou repoussantes, habitables ou inhabitables, c’est-à-dire de formes qualifiées : des formes qui comptent, investies de valeurs et de raisons d’y tenir, de s’y tenir, et aussi bien de les combattre.
C’est sur ce plan des formes de la vie que se formulent aujourd’hui beaucoup de nos attentes, de nos revendications, et surtout de nos jugements. C’est toujours d’elles que l’on débat, et avec elles ce sont des idées complètes du vivre que l’on défend ou que l’on accuse. Une forme de vie ne s’éprouve que sous l’espèce de l’engagement, là où toute existence, personnelle ou collective, risque son idée. Vouloir défendre sa forme de vie, sans tapage, en la vivant, mais aussi savoir en douter et en exiger de tout autres, voilà à quoi l’histoire la plus contemporaine redonne de la gravité.
Bien au-delà du champ de l’art, Marielle Macé propose la construction critique d’une véritable stylistique de l’existence. Cela suppose de s’intéresser sans préjugé à tout ce qu’engagent les variations formelles de la vie sur elle-même – styles, manières, façons – et de ne pas traiter forcément de vies éclatantes, triomphantes, d’apparences prisées ou de corps élégants. Ce n’est pas seulement la littérature mais bien toutes les sciences humaines qui, pour comprendre le monde immédiat, sous nos yeux, doivent s’y rendre vraiment attentives.

368 pages, 5 ill., 140 x 225 mm
Achevé d’imprimer : 01-08-2016

Hélène Merlin-Kajman

Lire dans la gueule du loup

. Essai sur une zone à défendre, la littérature

Collection NRF Essais, Gallimard

Parution : 14-01-2016

Au constat, aujourd’hui commun, d’une crise de la littérature dans les sociétés démocratiques – alors que celle-ci constituait le cœur de leur culture jusqu’à une époque récente –, nul ne peut plus répliquer par l’aporie de sa définition (pour autant que la littérature ait vraiment existé dans l’histoire), voire par la discipline dont elle est l’objet (histoire littéraire ; sociologie des institutions littéraires ; théorie critique ; rhétorique ; poétique ; stylistique…).
Parler d’elle, c’est défendre une zone mise en danger : celle de sa transmission. Car la littérature ne serait rien sans l’apprentissage premier des histoires que les parents lisent aux enfants, avant que ceux-ci ne deviennent capables de lire seuls, à leur tour.
Nous invitant à changer de point de vue, Hélène Merlin-Kajman s’interroge sur la transmission, partant, sur l’avenir : elle définit l’usage de la littérature qu’il est urgent de promouvoir, sinon d’inventer dans des sociétés fondées sur le… Lire la suite

Au constat, aujourd’hui commun, d’une crise de la littérature dans les sociétés démocratiques – alors que celle-ci constituait le cœur de leur culture jusqu’à une époque récente –, nul ne peut plus répliquer par l’aporie de sa définition (pour autant que la littérature ait vraiment existé dans l’histoire), voire par la discipline dont elle est l’objet (histoire littéraire ; sociologie des institutions littéraires ; théorie critique ; rhétorique ; poétique ; stylistique…).
Parler d’elle, c’est défendre une zone mise en danger : celle de sa transmission. Car la littérature ne serait rien sans l’apprentissage premier des histoires que les parents lisent aux enfants, avant que ceux-ci ne deviennent capables de lire seuls, à leur tour.
Nous invitant à changer de point de vue, Hélène Merlin-Kajman s’interroge sur la transmission, partant, sur l’avenir : elle définit l’usage de la littérature qu’il est urgent de promouvoir, sinon d’inventer dans des sociétés fondées sur le respect de l’individu, la valorisation de son autonomie et de sa liberté – de conscience, de sentiment.
Pour quelles valeurs cognitives, esthétiques, voire thérapeutiques, exigées par le citoyen, doit-on restaurer le partage transitionnel – afin que les textes littéraires, aujourd’hui observés par les sciences humaines ou tenus à distance par l’univers des images comme s’ils n’existaient qu’en dehors, tissent à nouveau des liens pour nous ?

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