Le Stop Motion consiste à prendre une série de photos en déplaçant progressivement un objet afin de créer une animation. Plusieurs logiciels gratuits facilitent cette opération. J’ai utilisé le logiciel KoolCapture. Ce logiciel est très intuitif. Vous pouvez cependant vous reporter sur un tutoriel pour plus d’explication.
En classe, le stop motion peut être utilisé en français pour mettre en place un projet d’écriture.« Un projet d’écriture est conduit sur le long terme. C’est un « chantier » d’écriture qui répond à des enjeux didactiques et humains. Collaboratif ou envisagé comme une écriture individuelle filée, il fédère les élèves autour d’un produit final, un « chef d’œuvre », dont le destinataire n’est pas le professeur mais un public lié au projet lui-même et à ses modes de publication (blog, livre numérique, concours de nouvelles ou de poésies, journal de l’établissement etc.). »Eduscol
Dans cet exemple, la partie écriture est passée au second plan au profit de l’acquisition d’un vocabulaire actif.
POINT DE DÉPART DE L’EXPÉRIMENTATION
Dans le cadre de l’EGLS avec une classe de seconde restauration, j’ai convenu avec l’enseignant de la matière professionnelle de travailler le lexique de la cuisine.
Le professeur d’enseignement professionnel avait constaté que les élèves apprenaient leurs définitions mais n’utilisaient jamais un vocabulaire précis dans le cadre de leur travail (à l’écrit comme à l’oral). Ils ne parvenaient pas à passer d’un vocabulaire passif à un vocabulaire actif.
Mon projet était donc de manipuler des lexiques (culinaires et littéraires) afin d’en permettre une acquisition plus concrète en proposant aux élèves des jeux sur les mots assis sur des mariages surprenants (« concasser l’anagramme »), des calembours (« effiler la métaphore »), ou des jeux sur la polysémie (« Râper la rime »).
Un second objectif était de développer les capacités à planifier son travail et à passer par des écrits intermédiaires (deux capacités majeures devant être acquises en lycée professionnel). L’écrit de travail n’est pas une démarche spontanée des élèves de seconde. Il me semble donc indispensable de développer cette compétence.
ANCRAGE DIDACTIQUE PRIVILÉGIÉ
Afin de répondre à ces objectifs de manipulation du lexique, j’ai souhaité faire de ce travail un véritable projet d’écriture. J’ai alors inscrit la classe au concours « Ecrire le travail » Ce concours académique tend à renforcer la dimension artistique et créative de l’écriture à partir de la thématique du travail.
Dans cette dynamique de projet, j’ai proposé aux élèves d’accompagner leur texte d’un Stop Motion. Cet usage de la vidéo impose de planifier son travail (On ne peut pas improviser une réalisation aussi méticuleuse : avant de réaliser un Stop Motion, il est nécessaire de rédiger un brouillon, de bâtir une trame, de se projeter vers un produit fini).
LA DÉMARCHE
Ce projet s’est déroulé sur 2 heures d’EGLS en classe entière. La réalisation des Stop motion quant à elle s’est déroulée sur des heures d’AP et durant les TP des élèves en 3 grandes parties : contextualisation, décontextualisation, recontextualisation.
– La première étape de contextualisation fut assurée par l’enseignant de la matière professionnelle qui a demandé de relever les termes spécifiques de la cuisine présents dans la fiche technique d’un TP.
– Puis j’ai présenté en cours ces mêmes termes de manière décontextualisée dans unlexique de termes professionnels culinaires. Par groupe de deux, les élèves devaient choisir un mot parmi ceux de ce lexique. Les élèves savaient à l’avance qu’ils devaient réaliser un Stop Motion. Ils ont donc choisi des mots avec cette préoccupation. Ensuite, ils devaient associer ce mot à un terme littéraire ou rhétorique en utilisant une liste (voir note 1) que j’avais préparée à l’avance. Ces rapprochements se sont faits plus ou moins au hasard. Cela a créé des mariages étranges de mots (à la façon d’un cadavre exquis).
* Brunoise calligraphique
* Concasser l’anagramme-Effiler la métaphore
* Fariner est-il un néologisme ?
* Glacer la périphrase
* Sonnet de la Mise en place
* Embrasser la Panade
* Paysanne polysémique
* Pétrir la contrepèterie
* Râper la rime.
Ce premier travail de lecture de lexique et de rapprochement a pris environ 30mn. Il restait 15/20mn aux élèves, par groupe de 2, pour réécrire la définition en respectant la contrainte d’écriture choisie. Tous les groupes devaient rendre une première définition à la fin de l’heure. Ce premier jet a été corrigé et amendé de conseils de réécriture.
Lors d’une deuxième heure, les élèves devaient rédiger la version finale de leur « définition poétique ». Les plus avancés ont eu le temps de saisir leur définition sur traitement de texte, les autres devaient le faire sur leur temps personnel et le déposer sur l’ENT (J’ai pu ainsi imprimer toutes les définitions pour le cours suivant).
– Enfin, lors d’une troisième heure, j’ai présenté le fonctionnement du logiciel KoolCapture. Chaque groupe d’élèves devait s’accorder sur un mini scénario pour réaliser deux animations en Stop Motion (la définition et la technique professionnelle). Cette troisième étape avec le Stop Motion a permis une recontextualisation du vocabulaire car les élèves ont dû concrètement réaliser la technique.
ÉLÉMENTS DE BILAN
Bilan de la partie « LEXIQUE » :
La partie expression écrite pouvait sembler ambitieuse du fait de la complexité de certaines des contraintes d’écriture. Cependant même les élèves les plus en difficulté se sont investis dans ce travail. J’ai alors mesuré à quel point les élèves avaient « le goût des mots ». Le fait de manipuler ces termes complexes ne leur est pas apparu comme fastidieux (malgré mes craintes), mais au contraire un véritable jeu.
L’écriture à contrainte est imposée dans les programmes de Bac Pro : « écriture à partir de contraintes et de déclencheurs » mais, au-delà des programmes, ces écrits du type OULIPO sont très utilisés à l’école primaire pour leur efficacité comme déclencheur d’écriture. On peut même parler « OuPéPo : Ouvroir de la Pédagogie Potentielle ». Ces déclencheurs d’écriture sont donc être un moyen d’impliquer davantage nos élèves de lycée professionnel dans une production écrite, car « ce qu’il faut souligner, c’est que la contrainte libère l’imagination » Régine Detambel. Ici la contrainte est notamment lexicale, elle permet de jouer avec les mots pour mieux se les approprier.
On peut cependant noter que ce travail écrit a entraîné de grandes disparités. Certains élèves se sont lancé de véritables défis comme rédiger un sonnet alors que d’autres n’ont quasiment pas modifié la définition de départ. Il aurait sans doute été plus pertinent d’imposer les contraintes d’écriture en fonction de chaque groupe d’élèves. Cela aurait permis une meilleure individualisation des objectifs.
L’objectif de départ sur le lexique fut pleinement atteint. En partant de deux simples lexiques (des listes de mots culinaires et littéraires), les élèves ont acquis du vocabulaire (c’est à dire qu’ils ont élargi l’ensemble des mots à leur disposition pour communiquer).Voir l’article « Lexique et vocabulaire : quelques principes d’enseignement à l’école par Jacqueline Picoche.
Bilan de la partie « STOP MOTION » :
Les élèves se sont engagés avec enthousiasme dans la réalisation du Stop motion.
Comme je l’espérais, tous les élèves sont passés par des écrits intermédiaires plus ou moins élaborés (Certains ont pris quelques notes au brouillon alors qu’un groupe a préparé un petit story-board). Sans un travail préparatoire par écrit précis, les élèves étaient mis en difficulté lors de la réalisation du Stop Motion. Ils ont ainsi vu l’intérêt de rédiger un brouillon et de planifier son travail.
Chaque groupe devait réaliser deux films (un en cuisine et l’autre en français). Le temps nécessaire à la réalisation de chaque film a été considérable (environ 1h30 par groupe soit 15h en tout !) Les élèves ont donc le plus souvent travaillé en autonomie (en dehors des heures de cours ou dans la classe lorsqu’ils avaient leurs autres travaux).
Au niveau technique, l’utilisation du logiciel n’a posé aucun problème. Pour prendre les photos, j’ai utilisé une caméra visionneuse du lycée (ce matériel peut être emprunté auprès du réseau Canopé)
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