Le projet "Notre COP21", au lycée Charles Petiet

, par Laurent Dinel

Entre octobre et mai 2015, des élèves de Seconde du lycée Charles Petiet ont participé à une simulation de conférence internationale sur le dérèglement climatique.

La 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ou « COP21 » aura lieu au Bourget en décembre 2015. Très attendue, cette rencontre va réunir l’ensemble de la planète avec pour objectif de trouver des accords pérennes permettant de répondre aux nombreux défis posés par le dérèglement climatique, là où aucune négociation antérieure n’a encore abouti.

À cette occasion, les académies de Créteil, Paris et Versailles, associées à la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE), ont organisé le projet "Lycéens franciliens, notre COP 21 ». Réunissant quatorze lycées, douze lycées généraux et deux lycées professionnels, ce projet a permis à des élèves de classes de Seconde de réaliser une simulation de cette conférence en prenant la place de chacune des délégations. Cette simulation de conférence s’est déroulée au lycée du Bourget le 6 Mai 2015.

Un projet stimulant et ambitieux

Avec le soutien de la direction, l’équipe de professeurs de la classe de Seconde Commerce du lycée professionnel Charles Petiet a souhaité relever ce défi en faisant participer les 28 élèves composant cette classe. Nous souhaitions leur permettre de mieux comprendre les difficultés que peut poser la mise en place d’une gouvernance à l’échelle mondiale en matière de climat.

Ce projet avait également d’autres objectifs :

  Mettre en valeur une nouvelle section ouverte à la rentrée dans l’établissement et lui permettre d’être mieux intégrée dans un établissement essentiellement industriel.

  Faciliter l’acquisition de compétences fondamentales dès la classe de Seconde comme la recherche d’informations, la mobilisation de connaissances acquises dans une situation particulière ou la prise de parole en public dans le cadre d’un débat argumentatif. Nous savions que cela serait difficile pour eux et pour nous car, pour pouvoir négocier de façon satisfaisante avec les autres délégations, ces élèves allaient devoir acquérir non seulement des savoirs, mais également des savoir-être et des savoir-faire débordant parfois leur programme stricto sensu.

  Travailler des compétences spécifiques à la profession. Ce sont de futurs commerciaux et échanger des idées, tolérer des points de vue parfois divergents et apprendre à convaincre représentent des compétences s’intégrant pleinement dans leur projet professionnel.

  Apaiser le climat scolaire de la classe, des problèmes de comportement et d’absentéisme ayant été relevés dès le début de l’année. Nous avons pensé que ce projet collectif permettrait de travailler d’une manière différente. En favorisant le travail en pluridisciplinarité et le décloisonnement des matières, il pourrait aider à mobiliser ces élèves et à lutter contre le décrochage scolaire.

Dernière difficulté, le déroulement de « Notre COP21 » prévoyait qu’au final seulement 6 élèves seraient envoyés en délégation. Nous espérions cependant réussir à entraîner toute la classe autour de ce projet en valorisant également ceux qui ne participeraient pas à la simulation.

Les élèves du lycée Petiet : des représentants du Bangladesh

Bangladesh, agriculteur dans une rizière. (Source : Wikipédia, article Bengladesh)

Dacca, capitale du pays, est une mégapole d’environ 15 millions d’habitants. (Source : Wikipédia, article Bengladesh)

Trois membres de l’équipe ont participé les 7 et 8 octobre à des journées de formation relatives au projet « COP21 ». Plusieurs documents ont été envoyés par les organisateurs du projet pour faciliter leur travail et celui de l’équipe. Chaque équipe pédagogique était libre de préparer comme elle le souhaitait ses élèves mais devait fournir régulièrement, comme dans une situation réelle, un certain nombre d’éléments aux organisateurs et aux autres délégations (fiche pays, fiche de positionnement). Après discussion avec la classe, nous avons choisi de représenter le Bangladesh, pays dans une situation dramatique car risquant de disparaître sous les eaux et devenir l’une des premières victimes du dérèglement climatique.

Première phase du projet : une approche pluridisciplinaire

D’octobre à janvier 2015, les enseignants des huit matières impliquées dans le projet ont défini une progression commune permettant aux élèves d’acquérir les connaissances nécessaires à sa réussite tout en s’intégrant aux programmes de Seconde (maths-sciences, prévention-santé-environnement PSE, anglais, économie, droit, commerce, géographie et français).

En cours de géographie, les élèves ont par exemple étudié les enjeux du développement inégal dans le monde, séquence lors de laquelle ils ont pu s’appuyer sur ce qu’ils avaient appris en cours de droit et d’économie, en particulier les principaux indicateurs économiques et le rôle des organismes internationaux. De même, en étudiant les enjeux énergétiques, ils ont pu réinvestir des connaissances abordées en cours de PSE comme les conséquences de la consommation d’énergies fossiles sur le climat ou les notions d’atténuation, d’adaptation et de développement durable. Ils ont aussi réemployé des connaissances abordées en cours d’anglais (étude de plusieurs textes sur le sujet) et réutilisé des outils statistiques tels que des histogrammes ou les tracés de courbes étudiés en cours de mathématiques.

Une rue de Dacca, en 2004, pendant une inondation.
La plus grande partie du Bangladesh est à moins de 12 mètres au-dessus du niveau de la mer, de plus, environ 10 % du territoire est situé en dessous du niveau de la mer. On estime qu’une élévation d’un mètre du niveau des mers ferait disparaître environ 50% du pays.
Source : View of Baridhara DOHS area in Dhaka during the flood of 2004. Wikipedia, article Water management in Dhaka.

En cours de français, les élèves se sont préparés à la négociation en travaillant sur l’argumentation dans le cadre de l’objet d’étude « Des goûts et des couleurs, discutons-en » et en travaillant sur les médias dans le cadre de l’objet d’étude « La construction de l’information ». Ils ont acquis des compétences de lecture (savoir repérer des informations, savoir repérer une opinion) et des compétences d’écriture (savoir exprimer une émotion ou une opinion à travers l’emploi de procédés d’écriture argumentative). Ils ont également acquis des compétences à l’oral comme apprendre à s’exprimer ou à prendre en compte l’opinion des autres en réalisant des exposés ou en participant à des débats. Ces apprentissages ont été réinvestis et renforcés dans des séquences autour de l’argumentation effectuées dans le cadre des matières professionnelles.

L’objectif de ce travail pluridisciplinaire était de permettre aux élèves de donner davantage de sens aux différents enseignements tout en les préparant à la deuxième partie du projet. Si la plupart des élèves ont pris conscience des enjeux de la COP21 et ont souhaité s’investir dans le projet, des problèmes de comportement et d’absentéisme ont perduré chez certains d’entre eux.

Deuxième phase du projet : préparation à la conférence et réalisation d’ateliers

La seconde phase du projet (janvier à mars 2015) a consisté à préparer les élèves à la conférence. La direction du lycée nous a accordé une dotation en HSE et permis d’utiliser les heures réservées à l’EGLS pour mettre en place de deux à quatre heures d’ateliers chaque semaine qui se sont ajoutées à leur emploi du temps initial. Trois ateliers ont été mis en place pour développer les compétences et l’estime de soi des élèves : un premier atelier a concerné les enjeux du dérèglement climatique, un second a été consacré au fonctionnement de la COP21 et du Fond vert, et un troisième s’est intéressé au Bangladesh et à sa situation actuelle. Une démarche de pédagogie active a été mise en place : elle a consisté à faire acquérir aux élèves de nouveaux savoirs en leur faisant réaliser des recherches de la manière la plus autonome possible. Ces ateliers étaient co-animés par deux professeurs de matières différentes afin de travailler en transversalité. Dans un premier temps, tous les élèves ont participé de manière alternée aux trois ateliers afin que chacun puisse comprendre l’ensemble des objectifs de la délégation « Bangladesh ». La plupart d’entre eux ont joué le jeu malgré le travail supplémentaire que cela leur demandait.

Lors des ateliers, plusieurs supports ont été utilisés. Dans le cadre de l’atelier « Bangladesh », les élèves en binômes ont utilisé l’outil informatique pour remplir des cartes géographiques et compléter un questionnaire sur les caractéristiques du pays (relief, démographie, langues, économie, religions, régime politique, loisirs). Lors de la séance suivante, des groupes de trois élèves ont été formés pour présenter la situation du pays sous la forme d’un exposé devant la classe, en utilisant le tableau et le vidéoprojecteur. Chaque groupe a travaillé sur un sujet différent : situation climatique, organisation de la société, ressources et consommation d’énergies, économie du Bangladesh. Pour leurs recherches, les élèves avaient à leur disposition une sélection de documents (articles de presse, photographies) ainsi que l’outil informatique. Cette recherche d’informations a été difficile pour plusieurs élèves. Le logiciel Powerpoint, d’abord envisagé, n’a pas été utilisé faute de temps. Cet exercice a été globalement réussi et certains élèves parfois timides ont pu montrer la qualité de leurs recherches et la maîtrise de leur sujet en répondant aux questions de leurs camarades.

Des exercices similaires sous forme de présentations Powerpoint ont été menés par les élèves dans le cadre de l’atelier sur le fonctionnement de la COP21 et du Fond vert. Ils ont été dans l’ensemble réussis même si, là aussi, tous les élèves ne se sont pas autant investis.

L’atelier autour des enjeux du dérèglement climatique a fonctionné de façon différente : chaque groupe d’élèves a dû réaliser une affiche avec le logiciel Publisher suite à une prise de notes pendant la projection de supports vidéo et en s’aidant d’un questionnaire. Les élèves devaient intégrer à leur affiche plusieurs illustrations (images, graphiques, schémas) trouvées sur Internet tout en respectant des consignes précises (texte simple et précis, illustrations pertinentes, occupation de l’ensemble de l’espace). Leur travail a été présenté aux éco-délégués de l’établissement et un débat a été engagé sur les comportements actuels des élèves de l’établissement et les mesures à prendre. Ces affiches ont ensuite été placées dans le hall principal du lycée et au CDI et présentées aux familles lors de la journée portes ouvertes. Ce travail a permis de donner plus de visibilité à ce projet au sein de l’établissement et de sensibiliser davantage les autres élèves du lycée. Il a aussi permis de valoriser le travail de l’ensemble des élèves de la classe.

Au terme de cette seconde phase, les élèves ont complété une fiche avec les données géographiques, géopolitiques et économiques du pays, et réalisé des graphiques sur la consommation d’énergie. Cette fiche pays a ensuite été mise à la disposition de chaque délégation.

D’autres projets scolaires facteurs de réussite

Afin de mobiliser davantage les élèves, nous leur avons présenté deux exemples de projets scolaires réussis. Ils ont d’abord assisté à la projection du film Les héritiers. Puis, au mois de mars, dans le cadre de la semaine sur la persévérance scolaire, quelques élèves volontaires ont pu assister à une deuxième projection et rencontrer la réalisatrice du film et l’acteur et coscénariste Ahmed Dramé. Il leur a fait part de son expérience d’ancien élève au parcours scolaire difficile, en leur rappelant qu’un projet collectif pouvait avoir des retombées très favorables en termes de compétences et d’estime de soi à condition de s’y investir pleinement. Dans un second temps, le court métrage La mémoire retrouvée, écrit, joué et réalisé par d’anciens élèves du lycée leur a été présenté.

Troisième phase du projet : en route vers « Notre COP21 »

Une douzaine d’élèves, les plus engagés, ont participé à la troisième phase du projet. Ils ont intégré de nouveaux ateliers destinés à réaliser des fiches de positionnement publiques puis confidentielles. Suite à la lecture d’un accord initial rédigé par les organisateurs, ils ont aussi dû proposer des amendements qui ont été envoyés aux autres délégations. Ils ont également travaillé sur les règles de procédure à respecter lors de la simulation et sur les éléments verbaux et non verbaux favorisant la communication (langage, gestes, postures). Ils ont enfin rédigé le discours que leur délégation allait présenter le jour de la simulation en assemblée plénière.
Les élèves ont choisi lors d’un atelier leurs six représentants, dont une porte-parole. Trois binômes ont été constitués, chacun participant à une négociation précise autour d’une thématique : atténuation et financement du Fond vert, adaptation au dérèglement climatique, reforestation.

Maison dans les Sundarbans, 2010. Les conséquences du réchauffement climatique sont déjà sensibles dans cette zone du golfe du Bengale. Depuis 1975, la disparition sous les eaux de deux îles a provoqué le déplacement de 6000 habitants. (Source : Wikipedia, article Sundarbans).

Chaque binôme a préparé son argumentaire en s’aidant des documents précédemment étudiés au cours de l’année et recherché des propositions réalistes. Ils ont aussi étudié les contributions volontaires des autres parties afin de connaître les positions de chacun et réfléchir à de possibles alliances. Les élèves ne participant pas à la rencontre du Bourget ont continué d’aider leurs représentants par leurs conseils et leurs recherches.

Pour vérifier la solidité de leur préparation et mettre en condition les délégués, une simulation de conférence a été organisée au sein du lycée les deux jours précédant la phase finale. Chaque professeur a pris la place d’une délégation de la Cop21 (Arabie Saoudite, États-Unis, Chine, Philippines, Inde, Union Européenne) pour présenter un discours et négocier, à tour de rôle, avec chaque binôme-élève du Bangladesh. Professeurs et élèves ont adopté des costumes rappelant l’origine de chaque délégation. Deux élèves de la classe ont joué le rôle du secrétariat. Un autre a été chargé d’organiser les débats et de contrôler les temps de parole. Il a su se faire respecter de tous, y compris des professeurs pas toujours disposés à respecter toutes les règles de procédure. Autour de la table, chaque participant a défendu ses arguments avec virulence. La dimension ludique de cet exercice a sans doute fortement participé à la réussite des élèves qui ont peu à peu réussi à prendre de l’assurance et à convaincre leurs partenaires.

Les élèves ont aussi profité des précieux conseils de M. Philippe Zeller, ambassadeur de France et diplomate chargé des relations avec les pays asiatiques dans le cadre des négociations sur le dérèglement climatique, qui était venu observer leur travail. Son écoute et son soutien ont fortement aidé les élèves à prendre confiance en eux dans la dernière ligne droite.

La simulation de conférence : le lycée Charles Petiet au Bourget

L’équipe des négociateurs de Charles Petiet, le 06 mai 2015, au Bourget. (Source : Lycée polyvalent Charles Petiet)

Entre négociations officielles et tractations en coulisses, nos apprentis diplomates ont obtenu des avancées majeures pour les pays les plus en difficultés. En effet, en fin de journée, l’accord final comprenait une aide plus importante du Fond vert pour des projets d’adaptation au dérèglement climatique et prévoyait la mise en place d’une législation sur le climat d’ici 2023. Les ministres de l’Écologie et de l’Éducation nationale, Ségolène Royal et Najat Vallaud-Belkacem, venues assister au déroulement des négociations, ont pu observer une prise de conscience de l’ensemble des participants face à l’urgence de la situation pour l’avenir de notre planète. Cependant les mesures décidées par les délégations de la conférence internationale si elles étaient réellement appliquées ne permettraient pas de limiter en dessous de 2°C le réchauffement climatique. Elles n’éviteraient pas le départ de nombreux Bengalis ; en quittant leur terre ils deviendraient les réfugiés climatiques de demain.

Un premier bilan

Le premier objectif que nous nous étions fixé avec les élèves, à la fois ceux qui ont participé à la phase finale de la simulation mais aussi ceux qui ont uniquement participé aux premières phases du projet, a été atteint : ils se sont tous au cours de l’année davantage sensibilisés aux enjeux du développement durable. Malheureusement, ce projet n’a pas réussi à entièrement mobiliser l’ensemble de la classe et à améliorer le comportement de certains élèves.

Le bilan reste toutefois très satisfaisant. Beaucoup d’élèves ont progressé dans leurs apprentissages, notamment les plus investis, et ont amélioré leur confiance en eux. « Notre COP21 au lycée Petiet » a permis aux enseignants et aux élèves de partager une formidable expérience collective dont les retombées personnelles et professionnelles pourraient être rapidement très positives. Les élèves ayant participé à la phase finale ont témoigné de leur expérience devant une caméra dans le cadre d’un documentaire réalisé par Dominique Lefevre du Canopé d’Amiens qui sera visible sur les sites académiques de la Région en octobre 2015.

Sites à consulter :

 www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr
 www.education.gouv.fr/cid88651/education-au-developpement-durable-lyceens-franciliens-notre-cop-21.html
 www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_927737/lycees-franciliens-notre-cop-21
 edd.ac-creteil.fr/Lyceens-franciliens-notre-COP-21-446
 www.cop21.gouv.fr
 www.lyc-petiet-villeneuve.ac-versailles.fr

Professeurs de l’équipe pédagogique ayant participé au projet :

Mouhoub Belkiter, professeur de Maths-Sciences
Aziz Bouzelmat, professeur d’Economie-Vente-Gestion
Laurent Dinel, professeur de Lettres-Histoire
François Gaudin, professeur de Lettres-Histoire
Estelle Weiss, professeur d’Economie-Vente-Gestion
Lebna Zakaria, professeur de Lettres-Anglais
Samira Zaoui, professeur de Prévention-Santé-Environnement

Équipe de direction du lycée Charles Petiet :

Paul Baquiast, proviseur
Belkacem Ouchen, proviseur-adjoint

ANNEXES :
Articles parus dans la presse évoquant les réfugiés climatiques du Bangladesh :
http://www.lesechos.fr/07/12/2009/LesEchos/20567-536-ECH_refugies-climatiques---le-bangladesh-submerge.htm
http://www.la-croix.com/Ethique/Environnement/Les-refugies-climatiques-a-la-recherche-d-une-protection-2014-06-04-1160677
http://www.liberation.fr/monde/2013/10/18/le-statut-de-refugie-climatique-n-a-pas-d-existence-juridique_940620 (N.B. : le cliché a été pris dans l’archipel des Kiribati.)
Vidéo visible (site du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie) :
 http://www.developpement-durable.gouv.fr/Au-Bourget-pour-les-lyceens-c-est.html?var_mode=calcul
 http://www.dailymotion.com/video/x2pbs3a_des-lyceens-engages-pour-le-climat-jouent-la-cop21_news#from=embediframe

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