Capacités et visées :
Avec la réforme du lycée professionnel, les élèves entrant en Seconde Professionnelle ont vu apparaitre sur leurs emplois du temps la matière « co-intervention » et, avec elle, de nouveaux enjeux interdisciplinaires à développer.
L’outil numérique étant un vecteur d’interdisciplinarité, il permet de croiser certains des enjeux pédagogiques du programme de seconde en français avec ceux inhérents au référentiel spécifique de la formation « Métiers de la sécurité ».
L’oral est l’un des enjeux communs de l’interdisciplinarité et une priorité pour permettre aux élèves de comprendre que chaque matière est un appui complémentaire aux autres pour construire des connaissances et des compétences solides.
Le référentiel de français en classe de seconde nous explique « Qu’il s’agisse de la communication orale en contexte professionnel ou des restitutions d’expériences (par exemple en lien avec les stages effectués), la pratique de l’oral fait appel aux compétences construites en français. Réciproquement, la communication orale en enseignement professionnel réactive les apprentissages réalisés dans le cadre disciplinaire. »
Il s’agissait donc d’exploiter l’outil numérique pour faire travailler des compétences oratoires spécifiques au sein d’une séance de co-intervention.
Français [1] | Métier de la sécurité [2] | |
Connaissances | • Construction et sens des verbes. Apprentissage de nouveaux verbes liés aux objets d’étude • Se repérer dans un flux de données et en extraire une information • Apprendre à questionner • Enrichir le lexique et notamment le lexique de spécialité |
• Les techniques d’observation pour le recueil d’information et de renseignement • Restitution fidèle et en temps de l’information |
Compétences | • Se construire dans les interactions et dans un groupe, rencontrer et respecter autrui. • Maitriser le fonctionnement de la phrase, prioriser et hiérarchiser les informations • Maitriser l’échange oral : écouter, réagir, s’exprimer dans diverses situations de communications |
A1.5T1 Sélectionner et classer les informations à communiquer • A1.5C1 Identifier et hiérarchiser les informations • A1.5C3 Utiliser le langage professionnel • A1.1C1 Recueillir et transmettre les informations • Travail en équipe et en coopération avec les autres acteurs |
Démarche :
L’intérêt de cette séance de co-intervention était de faire prendre conscience aux élèves que leur parole, leur attitude et leur écoute était essentielle dans une situation de communication, notamment dans une situation de communication professionnelle : choisir un mot plutôt qu’un autre, utiliser un vocabulaire spécifique et non généraliste, écouter l’ensemble des informations données par ses partenaires, décrire précisément et de manière organisée une situation…sont des critères de réussite pour une communication efficace et efficiente.
Il fallait donc permettre aux élèves d’expérimenter un type de situation « professionnelle » et leur faire prendre conscience des mécanismes implicites qui se jouent dans un dialogue.
Lors de cette séance, je me suis appuyée sur l’application mobile « Keep talking and nobody explodes » [3] , jeu numérique mettant au défi les joueurs de réussir à désamorcer une bombe virtuelle en résolvant un certain nombre d’énigmes : une partie des joueurs possède Le manuel de de déminage mais ne peut pas voir la bombe (Expert démineur) tandis que l’autre partie accède aux différents mécanismes de la bombe mais n’a aucune connaissance de la manière dont il faut les désamorcer (Technicien démineur).
La réussite de ce jeu réside donc dans le fait d’être capable d’avoir une bonne communication entre les membres de l’équipe.
Mise en place de la séance :
La classe comportant 24 élèves, trois groupes de six élèves ont été placés en tant qu’observateurs du jeu et le quatrième groupe de six joueurs expérimentait l’application.
Une partie se déroulant en 5 minutes tous les groupes ont pu être joueurs et observateurs.
Entre chaque partie, se déroulait une phase de restitution de l’expérience par les joueurs puis par les observateurs.
Finalités :
L’intérêt de cette séance était double :
– Placer les élèves comme ACTEURS DU JEU : en permettant aux joueurs d’expérimenter concrètement une situation où la communication (et ses outils) était essentielle à la réussite du casse-tête, ils ont dû, pendant des phases de jeu, adapter leur posture, leur vocabulaire et leur écoute. Ils ont également dû mettre en place une organisation efficace afin que chacun puisse aider à la résolution des énigmes.
– Placer les élèves comme OBSERVATEURS DU JEU : en étudiant les joueurs en action, ces équipes d’élèves ont pu remplir un tableau à double entrée « POSITIF/A AMELIORER » avec les observations qu’ils faisaient au fur et à mesure de la partie. En faisant une restitution de ces notes après la partie, les élèves-observateurs ont permis à l’ensemble du groupe-classe de prendre de la hauteur sur l’expérience et en tirer des remarques plus théoriques et conceptuelles sur ce que doit être une situation de communication « idéale ».
Ces moments de débriefing ont été essentiels puisqu’au fur et à mesure des passages des groupes, l’ensemble de la classe a pu voir que les joueurs tenaient compte des remarques faites lors des restitutions.
D’un premier groupe qui a échoué sur la première énigme (cacophonie des questions-réponses, désorganisation dans la recherche des informations, utilisation de mots vagues et sans sens précis…) , nous avons pu observer que les groupes suivants ont tenu compte des remarques et ont pu progresser de plus en plus rapidement dans la résolution des énigmes :
• La parole s’est posée, détaillée, précisée (description organisée de la bombe et de ses mécanismes…)
• Le vocabulaire s’est spécialisé et étoffé (« y a plusieurs fils à couper : des bleus des jaunes et un rouge » « nous avons 6 fils de couleurs différentes : de haut en bas, un fil jaune, puis deux fils rouges, puis à nouveau un fil jaune. Le 5ème fil est de couleur bleue et le dernier est noir »)
• L’organisation de la lecture du manuel s’est construite (les équipes ont commencé à se diviser le travail et les pages du manuel pour gagner du temps sur les différentes énigmes)
• Le volume sonore s’est réduit (on est passé d’une multitude de questions et de remarques à voix haute à des groupes qui ont choisi de n’avoir que deux interlocuteurs : celui qui voyait la bombe et celui qui recensait les indices du manuel trouvés par les autres membres de l’équipe).
En utilisant cette application, les élèves ont pu faire l’expérience d’une bonne ou mauvaise communication : de l’utilité des verbes spécialisés et des mots qui précisent une action ou une observation, de l’importance de trier et de hiérarchiser une information pour être efficace et précis.
Au fur et à mesure des sessions de jeu/débriefing, les élèves ont instinctivement adopté une démarche plus fine et circonstanciée dans leurs échanges, comprenant rapidement l’utilité d’être plus performant dans les mots et phrases utilisées et donc résoudre plus rapidement et efficacement les énigmes proposées.