Un travail d’expérimentation sur la frise chronologique numérisée Une année avec www.frisechronos.fr en Première Bac pro

, par Mathieu GENTY

www.frisechronos.fr/ ou
https://micetf.fr/frise/

par Mathieu GentyLycée Paul Belmondo, Arpajon (91)Académie de Versailles|

CAPACITÉS, VISÉES ET POINTS DES PROGRAMMES TRAVAILLÉS

SE REPÉRER DANS LE TEMPS / PÉRIODISER

 Dater des faits et les situer dans un contexte chronologique ;
 Situer les faits les uns par rapports aux autres ; les classer
 Distinguer temps long et temps court ;
 Identifier les continuités et les ruptures historiques ;
 Situer les grandes périodes historiques ;
 Contextualiser ; mémoriser les repères historiques et les mobiliser dans différents contextes ;
 Relever, classer et hiérarchiser les informations contenues dans le document selon des critères donnés.

POINT DE DÉPART DE L’EXPÉRIMENTATION EN QUELQUES LIGNES

Le point de départ de ce projet est un constat : celui de la difficulté, en classe de Seconde, à se repérer dans le temps et à articuler les différentes époques proposées au programme de Seconde. Aussi, en Première, je décide avec cette même classe de construire ce projet de frises chronologiques. Outre les compétences disciplinaires citées plus haut, ce projet a également pour but de développer le travail personnel de l’élève. Il s’agit de s’attaquer à un double enjeu, celui de l’habitude de travail hors la classe, et celui de l’autonomie dans le travail personnel. Pour cela, la dimension ludique du travail informatique, généralement plaisant pour nos élèves et dont les résultats esthétiques sont souvent flatteurs a été mise en avant.

 Pour le travail des compétences disciplinaires, le choix de la frise chronologique a été naturel. D’abord, parce que l’appréhension du temps est simplifiée par la visualisation graphique et, pour nos élèves, une image permet souvent mieux qu’un texte d’exprimer les différentes temporalités. Ensuite, la frise est vraiment l’outil qui permet de travailler ensemble les capacités du programme « dater », « situer », « ordonner », « périodiser ». De plus, la construction de cet outil graphique par l’élève permet pour l’enseignant d’évaluer sa compréhension du phénomène, son rapport au temps et d’une façon générale sa capacité à se situer dans un contexte chronologique. Finalement, la frise chronologique est à la fois un outil pour l’acquisition de certains savoir-faire, et, par son rôle de repère, une aide à l’apprentissage de connaissances et à la mémorisation. L’expérience en classe m’a également prouvée qu’elle peut être une aide à la problématisation car le rapprochement visuel qu’elle induit entre les dates est toujours source de questionnements et de remarques de la part des élèves.

 Les objectifs des élèves étaient de préparer, d’une part, les révisions pour l’examen de fin d’année, et d’autre part, les révisions à l’occasion de chaque évaluation, puisque les travaux demandés étaient systématiquement à rendre au plus tard 24 heures avant l’évaluation de fin de séquence.

 

ANCRAGE DIDACTIQUE PRIVILÉGIÉE POUR ABORDER LA THÉMATIQUE RETENUE

Ce travail a pour fondement l’enseignement de la périodisation au sens large du terme. Dans le cadre de ce projet, la définition suivante a été retenue :

Périodiser, c’est borner, thématiser, hiérarchiser et catégoriser, problématiser.

SITUATION

L’expérience concerne une classe de première bac pro, Métiers de la Sécurité au sein du lycée Belmondo (Arpajon, 91), très bien doté en informatique. Les élèves ont accès à Pronote, y compris par une application sur leur portable, et au réseau du lycée depuis tous les ordinateurs du lycée. Ils peuvent travailler sur informatique au CDI, et pour les plus motivés, l’administration accepte souvent d’ouvrir une salle informatique dont la responsabilité est confiée à un ou deux élèves pour une ou deux heures.

 Ce sont des conditions qui permettent donc de miser sur l’autonomie des élèves.

LA DÉMARCHE

Le projet proposé aux élèves est le suivant :

Utiliser l’outil http://www.frisechronos.fr/ ou l’outil https://micetf.fr/frise/ tout au long de l’année pour créer des outils d’aide à la mémorisation.

Pour l’enseignant, l’objectif est de développer des compétences disciplinaires autour de la périodisation.

 

 Le projet veut développer l’autonomie des élèves. C’est pourquoi les temps de travail collectif alternent avec les temps de travail personnel. Ainsi, l’enseignant intervient en amont avec la présentation et l’analyse du barème, puis évidemment à la correction avec une reprise et une analyse de certains travaux devant la classe. Pour accompagner les élèves dans ce travail en autonomie, il faut donc s’appuyer sur la construction d’un barème très précis (qui va évoluer au fil des travaux), et qui devra être un véritable outil de travail pour les élèves.

Le barème va évoluer au fil des travaux car les objectifs évoluent évidemment. Si dans un premier temps, je souhaite avant tout motiver les élèves pour le projet, récompenser le travail autonome, et l’utilisation de l’outil informatique, il faut rapidement évoluer vers le développement des compétences disciplinaires.

 

 Il s’agira donc :

 1) d’abord, de motiver les élèves dans cette activité,

 2) ensuite, de développer des compétences numériques simples puis complexes,

 3) de bout en bout, de développer des compétences disciplinaires et des connaissances historiques.

 1) Motiver les élèves dans la cadre de cette activité passe justement par la réalisation d’activités numériques très simples qui valorisent leur implication (renommer un fichier avec un indicatif clair ; envoyer une pièce jointe, écrire un message en français correct contenant des formules de salutations, etc.). D’expérience, je sais que ce n’est pas si simple pour certains de nos élèves.

 - 2) Très vite, les activités numériques simples doivent perdre de leur valeur dans le barème pour laisser de plus en plus de place aux activités complexes (transformer la production en fichier .pdf, déposer le fichier sur le réseau, demander un accusé de réception, etc.).

 - 3) De bout en bout, les demandes dans le domaine disciplinaire vont évoluer et prendre une plus grande valeur dans le barème. D’abord, l’accent sera mis sur la datation des faits et la capacité à les situer dans un contexte chronologique, ainsi qu’à les situer les uns par rapport aux autres. Ensuite, le barème va demander des tâches plus complexes de classement et de hiérarchisation des informations. Enfin, les élèves devront pouvoir contextualiser et réfléchir sur la périodisation.

 

 

 Chaque séquence du programme de Première va constituer une étape :

 - Pour la séquence « Être ouvrier en France (1830-1975) », les capacités mises en avant sont « Dater » et « Situer ». Les élèves doivent assez simplement relever les dates notées dans leurs cours et les placer sur leur chronologie. C’est le travail préparatoire à toute chronologie, une phase nécessaire à tout travail plus poussé de périodisation car il permet une première activité de bornage tout en initiant la notion de ’repère’. Seule la validation de cette première compétence permet d’approfondir le travail. L’outil numérique alimente en outre la réflexion chez l’élève, car il le met devant un choix : indiquer l’événement sous forme de date ou de bande ? Il y a là souvent une première réflexion, rarement menée jusqu’alors chez l’élève, celle de la durée d’un événement en lui-même : entre ’Prise de la Bastille’ le 14 juillet 1789, et ’Révolution française’ en 1789, les deux appellations et ce à quoi elles renvoient sont souvent identiques dans la tête du lycéen... Ce travail leur montre que non.

Je vous livre en illustration un résultat sur la séquence ’Être ouvrier en France (1830-1975)’.

 

 A la reprise orale, l’élève a été amené à se justifier sur ses choix de dates et à s’interroger sur le positionnement au-dessus ou en dessous de la frise. Le groupe en a conclu qu’il était important de bien choisir les dates retenues, et de les classer par catégories, peut-être en utilisant un code couleur, pour donner un aspect plus ordonné à la frise. Cette réflexion permet d’amener le sens et la place d’une classification dans la construction du temps.

 Pour la séquence, « Les femmes dans la société française de la Belle époque à nos jours », ce sont les capacités « Ordonner/Classer » qui ont été privilégiées. Les élèves construisent leur frise en s’appuyant sur un travail de relevé, de classement et de hiérarchisation des informations contenues dans un grand tableau chronologique fourni par l’enseignant, et volontairement exhaustif. Les élèves vont devoir classer les dates en catégories qu’ils vont eux-mêmes élaborer, délimiter et nommer : on travaille ainsi la thématisation propre à toute périodisation. On attend des élèves qu’ils dégagent les thématiques suivantes : « scolarité - travail », « maîtrise du corps », « droits civiques et politiques ». Dans un second temps, pour chaque catégorie, les élèves ont à sélectionner trois dates au minimum qui leur semblent emblématiques de toute la période pour construire leur frise chronologique. Les trois catégories doivent être différenciées sur la frise au moyen d’un code couleur. Cette seconde phase aborde avec les élèves la compétence essentielle de « Relever, classer et hiérarchiser les informations » mais en même temps, cette activité est déjà un travail de problématisation car le classement oblige à concevoir une sélection, un tri, un ordre et une thématisation. Cette fois encore, l’outil numérique montre son intérêt dans les choix qu’il offre à l’élève : créer une zone de texte pour indiquer une légende, et réfléchir à un contenu court et précis pour expliciter ses choix.

A la reprise orale, l’élève, une élève a été amenée à justifier ses choix d’images. La dimension illustrative n’était pas nécessairement pertinente ; cependant, il est intéressant de s’arrêter sur ces choix ; en effet, le travail sur la temporalité est aussi un travail sur soi, sur ses représentations et sur sa propre subjectivité. Par les choix de dates, d’évènements, de figures que l’élève opère, il apprend à se situer dans un temps commun, un temps sociétal, en confrontant ses repères à ceux des autres : ainsi, il est intéressant de noter que cette élève a choisi de mettre en avant des figures emblématiques du combat des femmes, mettant ainsi l’accent sur les actrices d’une histoire essentiellement féminine.

Également, il a fallu mener une réflexion sur la longueur du contenu textuel des encadrés. Cela a d’ailleurs obligé l’élève à positionner les dates uniquement en fonction de la place qui lui restait, ce qui la rend moins lisible. Le travail de frise chronologique doit aussi être un travail synthétique.

 Pour la séquence, « La République et le fait religieux depuis 1880 », les élèves travaillent sur une chronologie déjà construite issue d’un manuel scolaire. Ils doivent y introduire des images pour mettre en avant certaines dates.

Les élèves travaillent ainsi sur leur compétence de hiérarchisation car ils doivent faire preuve de discernement dans la sélection des dates qu’ils mettent en avant, mais aussi dans le choix des illustrations.

Avec l’apparition des bandeaux marquant les différents régimes politiques, l’outil numérique permet à l’élève de distinguer et de choisir « bande » ou « événement ». Il réfléchit ainsi sur les différentes temporalités, qui peuvent parfois se juxtaposer, et avec une chronologie qui le mène jusqu’à nos jours, il s’inscrit lui-même dans cette temporalité sociale et collective.

Ce choix développe ses compétences pour « Situer les faits les uns par rapports aux autres » et ’distinguer le temps long’ d’une évolution sociétale comme la place de la religion et ’le temps court’ des régimes politiques. Enfin, au travers du choix des images et surtout de leur positionnement, l’outil numérique impose à l’élève une hiérarchisation entre les dates, mais aussi entre l’image et l’événement qui l’accompagne. L’élève est ainsi en questionnement. Qu’est-ce qui importe le plus ? Ainsi, il développe une véritable pensée critique sur la construction de la temporalité.

Sur cette frise, l’élève a oublié de légender le code couleur. A la reprise orale, la classe a du réfléchir sur la représentation du temps long et du temps court : les temps de rupture sont surreprésentés sur une frise comme celle-ci.

 Pour la séquence, « De l’État français à la IVe République (1940-1946) », les élèves doivent « Identifier les continuités et les ruptures historiques » ; continuités de la République française par exemple dans l’incarnation voulue par le général De Gaulle, mais aussi ruptures créées par des moments clefs comme par exemple le vote des pleins pouvoirs à Pétain. Cette dernière étape aboutira en classe à une réflexion sur la distinction entre le temps long et temps court. Les élèves auront pu constater que cette frise constituée sur une période courte ne s’était pas construite de la même manière que les autres mais comme un ’gros plan’, selon le mot des élèves... Cette frise s’intéresse au temps court, aux temps de rupture, à ce que l’on appelle parfois des temps d’’accélération’ de l’histoire. Nous en profiterons pour comparer et superposer les différentes frises fabriquées au cours de l’année et ainsi contextualiser cette période courte dans le temps long des évolutions de la société française étudiées au cours de l’année.

Voici une frise atypique. L’élève a eu l’idée de mettre en parallèle les carrières de De Gaulle et de Pétain pour montrer les continuités et les ruptures. A la reprise orale, il a été amené à réfléchir sur le positionnement des photographies : l’âge de ces personnages ne correspond pas à l’emplacement sur la frise... De plus, la question a été posée de mettre l’un des personnages au-dessus plutôt que l’autre...

 Avec l’enseignant, les élèves dresseront le bilan du travail effectué au cours de l’année : finalement, « périodiser », c’est borner, thématiser, hiérarchiser et catégoriser, problématiser.

UN BILAN DU PROJET

D’abord, il n’y a pas de miracle sous prétexte que l’on travaille avec l’outil informatique ! L’aspect ludique ne dure qu’un temps et après des départs fulgurants, il y a une érosion du travail à la maison (seulement 50% des élèves ont fait le dernier devoir).

 Les écarts se creusent rapidement entre ceux qui travaillent ou pas : les compétences numériques se développent vite, et les bons devoirs se sont considérablement améliorés. Malheureusement, malgré l’excellent équipement informatique du lycée, la fracture numérique existe, et ce type d’exercices la reflète. Les élèves non équipés à la maison doivent passer plus de temps au lycée.

 L’outil numérique facilite la tricherie... et la rend plus bête aussi... donc généralement plus aisée à repérer. Un positionnement vertical strictement identique pour la même date, les fautes d’orthographe, le choix des couleurs et des images... autant d’éléments qui peuvent vous aider à repérer les petits malins...

 La frise chronologique est un moyen de visualiser le temps, et de l’inscrire dans la mémoire. Mais pour les élèves, je dois reconnaître à l’usage qu’elle a tendance à « figer » le temps autour de quelques dates clefs. Là où l’enseignant, conscient de la profondeur de l’histoire, cherche à mettre en lumière quelques situations historiques, pour les élèves il ne reste parfois que quelques dates, seules lumières dans la nuit...

 L’écueil bien connu de la frise chronologique, qui consiste à donner une vision du temps trop linéaire et à donner l’impression de liens de causes à effets entre certaines dates, est difficile à éviter. 

 

 La reprise en classe est donc absolument nécessaire, et permet seule de donner sens à ces travaux. C’est la valeur ajoutée de l’enseignant ! Et celui-ci doit rester particulièrement attentif à donner du sens à cette frise (par la contextualisation) et aux dates qu’elle contient.

L’intérêt de cet outil frisechronos.fr réside dans sa simplicité de prise en main, élément important puisqu’une part non négligeable du travail doit être réalisée en autonomie. On notera qu’une alternative à cet outil existe chez Micetf.fr/frise.

DES PISTES POUR L’AVENIR

Les élèves doivent garder conscience de l’évolution historique entre deux dates. Un travail d’oralisation de leur frise (réalisé par exemple avec l’application « penxy ») pourrait offrir l’occasion aux élèves de travailler un renforcement de leur capacité à la contextualisation. Elle permettrait de les initier à des activités de raisonnement en travaillant les enchaînements chronologiques (situer – ordonner) ou les enchainements causaux (expliquer des causes ou des conséquences).

La problématisation est encore trop absente du projet en lui-même. Certes, elle se fait à l’oral dans les temps de reprise, mais il faut réfléchir à une méthode pour amener les élèves à problématiser pendant la construction de la frise.

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