Niveau de classe : Première bac pro
Thème : Hommes et femmes au travail en métropole et dans les colonies françaises.
Capacités : Raconter individuellement ou collectivement le quotidien d’une femme ou d’un homme au travail.
Comment faciliter le passage à l’écrit ? Faire un « brouillon oral »
· De nombreux élèves en lycée pro s’expriment tout à fait correctement à l’oral, mais ils éprouvent davantage de difficultés lorsqu’il s’agit de rédiger à l’écrit. Ils se retrouvent ainsi en échec alors qu’ils maîtrisent pourtant la compétence visée. Mon objectif n’est donc pas ici de faire travailler les compétences orales, mais d’utiliser celles-ci pour faire progresser les compétences écrites.
· Dans un premier temps, j’ai donc décidé de demander aux élèves de raconter à l’oral des situations historiques. Mais les élèves ont alors préparé un brouillon à l’écrit ! Leur oral s’est retrouvé lui aussi décevant car il n’était qu’une lecture d’un écrit maladroit.
« Quand l’enregistrement devient le brouillon de la parole » : un article de Sandrine Baud, professeure de lettres dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants non scolarisés antérieurement (UPE2A-NSA) m’a guidé vers une solution. Elle y explique en effet comment l’enregistrement peut devenir un véritable brouillon de la parole. En nous inspirant de ce travail, nous l’adapterons à des élèves francophones mais en grande difficulté à l’écrit. Nous nous demanderons ainsi comment l’enregistrement d’un oral spontané peut devenir un véritable brouillon pour préparer l’écrit.
· Au lieu de faire le brouillon à l’écrit et la production finale à l’oral, il s’agit d’inverser nos habitudes d’enseignants et de demander aux élèves de faire le brouillon à l’oral et la production finale à l’écrit.
Pour permettre la construction d’un brouillon à l’oral, j’ai demandé aux élèves de parler le plus simplement possible à leur téléphone ou à leur tablette région en ouvrant une application « NOTE » et le clavier vocal Android ou Apple.
J’ai insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une sorte de prise de notes, d’un premier essai sans enjeu.
Construction de la séance :
Afin de concentrer le travail sur la capacité raconter, j’ai décidé de m’appuyer sur un corpus documentaire simple du manuel des élèves. L’originalité de la démarche ne repose pas sur l’analyse des documents mais sur le travail préparatoire à l’oral.
Lors de l’année scolaire précédente, j’avais déjà travaillé la capacité « raconter » avec cette classe. Je m’étais alors appuyé sur le « Vademecum Raconter » Eduscol de 2011. En introduction, j’ai donc demandé aux élèves, ce dont ils se souvenaient à propos de cette capacité.
J’ai ensuite suivi les conseils des documents d’accompagnement : « Dans un premier temps, il faut déterminer les éléments qui serviront de base pour raconter le quotidien d’une personne au travail : métier, sexe, époque, lieu. Les informations validées doivent être sélectionnées pour rendre compte dans un récit organisé du “travail vécu”. » Document d’accompagnement.
J’ai lu avec les élèves les documents en surlignant ces éléments.
Puis je leur ai demandé de raconter à leur téléphone le quotidien de la jeune fille présentée dans le manuel. J’ai bien précisé qu’il s’agissait d’un simple « brouillon oral ». Je leur ai imposé d’utiliser le clavier vocal (voir image)
Certains élèves m’ont envoyé par mail leur premier essai. J’ai vidéoprojeté au tableau ces premières tentatives pour en dégager, avec l’ensemble de la classe, les points forts et les points faibles (surtout au niveau du fond, pour la forme, je demande aux élèves d’utiliser l’application "Grammalecte" ou "Bonpatron"). Cette correction collective devait permettre à chacun d’améliorer sa propre version.
Enfin les élèves ont rédigé à l’écrit une version finalisée de leur travail en améliorant leur « brouillon oral ».
Exemple de production élève :
Premier jet
« La jeune fille au XVIIIe siècle travaillait dans les mines pour subvenir à ses besoins et au besoins de la famille son travail a est très pénible les enfants sont traités comme les adultes ils font partie aussi des équipes d’adultes ils ne sont pas mieux traités . Un enfant est payé à cette époque là 0,75 € de l’heure les petites filles poussées des chariots de 100 kg elle était plusieurs fille à l’avant et plusieurs fille à l’arrière. Cette jeune fille travaille de 2h du matin à 14h et elle ce couchait à 18h pour recommencer le travail , Son travail était de remplir des sac de charbon et de les déposer dans le wagon qui pèse entre 100 kg et 200 kg et si il arrivait pas à remplir les wagons elle se prenait une raclée et on voit que la vie de jeune enfant était très compliqué au XVIIIe siècle »
Deuxième jet
« La jeune fille au milieu 19e siècle travaille dans les mines pour subvenir à ses besoins et aux besoins de la famille. Son travail est très pénible. Elle est traitée comme les adultes et elle fait partie aussi des équipes d’adultes. Elle est pas mieux traités. Elle est payée 75 centimes de l’heure. Elle travaille de 2 h du matin à 14 h et qu’elle se couche à 18 h pour recommencer le travail. Son travail était de remplir des sacs de charbon et de les déposer dans le wagon qui pèse entre 100 kg et 200 kg » et si elle arrive pas à remplir les wagons elle se prend une raclée et on voit que la vie de jeune enfant était très compliquée au 19e »
Bilan d’expérience
· Le clavier vocal s’est avéré un outil très efficace. Les élèves en difficulté ont « écrit » des textes beaucoup plus longs que d’habitude. Ils n’ont pas réellement écrit, mais seulement dicté à leur téléphone. On s’aperçoit que l’écrit est souvent un frein pour nos élèves. L’usage de ce clavier vocal est donc très intéressant. De plus ces écrits réalisés à l’aide du clavier vocal comportaient peu de fautes d’orthographe.
En revanche, ces textes ne comportaient quasiment aucune ponctuation. Les élèves doivent l’ajouter dans un second temps. (Il est possible de dicter la ponctuation sur le clavier vocal, mais les élèves ne le font pas).
· Les bons élèves ont été assez déstabilisés par cette expérience. En réussite à l’écrit, ils n’ont pas vu l’intérêt de dicter à leur téléphone. On peut donc imaginer imposer une première activité « brouillon oral » à tous les élèves, mais leur laisser le choix ensuite, pour les autres activités, selon leur préférence.
· La compétence « raconter » a été abordée par les élèves de manière beaucoup plus spontanée en passant par un brouillon oral. Nos élèves savent souvent « raconter » mais à l’écrit, certains semblent bloqués. Le fait de parler à leur téléphone leur permet une approche assez naturelle.
· Enfin les élèves ont accepté facilement de faire une deuxième version. Souvent les élèves rédigent un brouillon écrit et rechignent ensuite à le modifier car pour eux, le travail est fait. Ici leur version de travail (que j’ai appelé « brouillon oral »), était sur leur téléphone ou leur tablette sans forme et sans ponctuation. C’est la raison pour laquelle ils ont accepté volontiers de rédiger une version finalisée.